"La Chambre Bleue", vestiges d’éternité.

Adaptée du roman éponyme deGeorges Simenon, écrivain des années 40, La Chambre Bleue, est un long métrage de Mathieu Amalric, en compétition pour cette 67ème édition du festival de Cannes.

chambre bleue

« Une fois qu’une vague inattendue l’avait submergée, elle lui avait lancé un regard où il avait cru lire de la peur. Pas la peur de la mer. La peur de lui. »

C’est avec une belle subtilité que Mathieu Amalric signe ce film comme un murmure sous serment fait à l’oreille des spectateurs.

Perdu dans les vestiges d’éternité d’un amour fracassé qui s’égare et se déploie, là, juste là, en chuchotement, en orage, en offrande, en naufrage, en circulation sur les routes écorchées du désir : des corps.

Des corps en confiture de souffles, qui se bousculent, se rencontrent, se fuient, se cherchent, s’attendent, s’aiment et se détestent, s’endorment ensemble, s’attachent, s’abandonnent, s’oublient, se souviennent, se déploient, se contractent, se séparent, se retiennent…

Une perle d’inhabitude s’attarde au coin de ses lèvres. Il fait chaud. Elle le lèche. Sa chair doit avoir le goût de fraise. Est-ce qu’il saigne ? Elle le lèche encore. Il fait chaud dans son corps.

« Dis- moi Julien, si je devenais libre,  tu te rendrais libre aussi ?
– Tu dis ?… »

Aussi juste et sensible à l’écran que derrière la caméra, c’est avec finesse que le réalisateur nous plonge au cœur de cette intrigue à l’humeur tremblante et incertaine, oscillant entre une belle modernité, et une fragrance décalée. En effet, Mathieu Amalric introduit cette particularité, ce grain, ce souffle qu’avaient les vieux films, sans pour autant en perdre l’empreinte actuelle.

Un grand bravo à ces jolies nuances et ces demi-teintes qu’il déploie avec grâce et naturel.

De couleurs en musiques, de chambres en chambres, d’hôtel en tribunal, de tu es belle à ça fais mal, les promesses s’attardent… et les témoignages s’égarent… Tel un peintre à l’œil aigüe, il traite le corps et l’image avec une beauté flagrante et une sincérité débordante.

Ainsi… dans les rayons de murmure d’une chambre close, aussi doux et inquiet qu’une abeille venant chercher le sucre de la peau qui a chaud, où Julien Gahyde les cherche désespérément, Mathieu Amalric nous fait perdre nos mots.

« La vie est différente quand on la vit et quand on l’épluche après-coup. »

Bravo à Laurent Poitrenaux pour la justesse dont il a fait preuve, sans oublier Stéphanie Cléau et Léa Drucker qui nous amènent doucement et sensiblement vers ce lieu sombre de soi même, chacune à leur manière, ravageuse, tout en gardant le mystère trouble de ces liaisons dangereuses.

Ana Elle

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