En ce mercredi 27 mai « la France a rendez-vous avec le meilleur d’elle-même » a dit le président de la République en commençant son discours d’une quarantaine de minutes en hommage aux deux femmes et aux deux hommes, grandes figures de la Résistance, qui entraient dans la maison des grands Hommes. Le jour d’honneur à ces quatre héros de la Seconde guerre mondiale n’avait pas été choisi au hasard, le 27 mai, journée nationale de la Résistance.
Il était 18h15 quand les 71 personnalités qui reposent déjà dans le Panthéon au sommet de la montagne Sainte-Geneviève ont accueilli Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion et Jean Zay, symboles des valeurs de la République.
Arrivé à pied par la rue Soufflot, à 17 heures précises, avec à ses côtés le premier ministre, Manuel Vals, François Hollande rejoint devant l’imposante façade de la nécropole les 850 invités à la très solennelle cérémonie. Sous la tente de droite au premier rang, les familles, côte à côte Catherine et Hélène, les deux filles de Jean Zay et derrière elles accompagnée de sa fille Anise Postel-Vinay, 92 ans, partie pour Ravensbruck dans le même convoi que Germaine Tillion, « ma mère de camp » se rappelle encore la vieille dame.
Tout le gouvernement est là, les présidents des deux assemblées, d’anciens premiers ministres dont Lionel Jospin, la maire de Paris, le président du Conseil constitutionnel, des présidents de région dont François Bonneau près de Jean-Pierre Sueur, sénateur socialiste du Loiret. Sous la tente de gauche la presse nationale et internationale occupe tous les gradins tandis que les caméras des télévisions assurent une retransmission en direct Sur les côtés, des jeunes des écoles, élémentaires, des collèges, des lycées et des universités assis sur des chaises ouvrent grand les yeux et les oreilles, impressionnés et pensifs. Gabriel, l’arrière-petit-fils de Jean Zay, se trouve parmi eux.
Des jeunes dans le cortège
Partis de la Sorbonne où ils avaient été honorés la veille, portés chacun par six gardes républicains, les cercueils remontent à pas lents la rue Soufflot suivi par une foule imposante et silencieuse massée derrière des barrières. Pour illustrer à la fois la participation de l’ensemble de la Nation à l’événement et l’importance de la transmission à la jeunesse de la mémoire et des valeurs de la Résistance, devant chaque cercueil recouvert d’un drapeau tricolore un jeune porte une pancarte avec le nom de la personnalité, un autre le portrait de celle-ci réalisé par Ernest Pignon-Ernest. Derrière chacun d’eux un groupe de 30 personnes arborant un tee-shirt orné du même portrait.
Lentement le cortège avance tandis que la Musique de la Garde républicaine dirigée par le lieutenant-colonel Antoine Langagne interprète depuis le parvis le « Panis Angélicus » de César Franck, musique douce et tendre qui souligne l’aménité des quatre regards des panthéonisés dont les portraits regardent la foule depuis la façade du monument. .
Tandis qu’on installe les catafalques retentit « la complainte des partisans, puis le « chant des marais » interprétés par le Chœur de l’armée française.
Le considérable bilan de Jean Zay
Alors François Hollande s’avance et entame son discours qu’il a souhaité l’un des plus marquants de son quinquennat. « Ces deux femmes et ces deux hommes ont en commun d’avoir fait de leur vie un destin et d’avoir donné à leur patrie une destinée », dit-il. De l’action de chacun d’eux, il dresse un bilan et s’attarde sur celui de Jean Zay, ministre de l’Education nationale pendant 40 mois. Il en profite pour établir un lien avec l’actuelle réforme du collège. Najat Vallaud-Belcassem, l’actuelle ministre, en sourit de plaisir. « Celui de Jean Zay comme Ministre de l’Education est considérable. La République lui doit les trois degrés d’enseignement, l’unification des programmes, la prolongation de l’obligation scolaire, les classes d’orientation, les activités dirigées, les enseignements interdisciplinaires, la reconnaissance de l’apprentissage, le sport à l’école, les œuvres universitaires. Son audace réformatrice ne s’arrêta pas là .C’est Jean Zay qui conçut le Centre national de la recherche scientifique. C’est Jean Zay qui créa le Musée des traditions populaires, le Musée d’art moderne la réunion des Théâtres nationaux et même le Festival de Cannes. Les blocages furent multiples. Les oppositions rudes, les préjugés nombreux .Mais il tint bon parce que la justice sociale exige que, quel que soit le point de départ chacun puisse aller dans la direction choisie aussi loin et aussi haut que ses aptitudes le lui permettent. Ce projet est toujours le nôtre. C’est par l’École, que la République reste fidèle à sa promesse. »
“En République, la compassion s’appelle fraternité”
Juste avant l’entrée solennel, François Hollande avec les soeurs Zay.
Il souligne le courage et l’intelligence de Pierre Brossolette qui, torturé, n’a pas parlé et a préféré se défenestrer de peur de perdre sa conscience, l’attention porté aux démunis par Geneviève de Gaulle-Anthonioz, son engagement contre la pauvreté. En ce qui concerne Germaine Tillion il établit à nouveau un parallèle avec la situation actuelle « Aujourd’hui elle serait dans le camp des réfugiés qui accueillent les exilés de Syrie et d’Irak. Elle appellerait à la solidarité pour les Chrétiens d’Orient. Aujourd’hui, elle se serait mobilisée pour retrouver les filles enlevées par Boko Haram. Pour elle, la compassion n’est pas la charité. Elle n’est pas une élégance de l’âme, elle est une force de l’esprit. Elle est l’honneur d’une Nation. En République, la compassion s’appelle fraternité »
Ayant comme à son habitude recours à de nombreuse anaphores, il conclut, « Les morts de la France ne demandent pas de les plaindre, mais de les continuer. Ils n’attendent pas de nous un regret, mais un serment. Pas un sanglot, mais un élan. Ce message résonne en cet instant en chacun d’entre nous. Continuer. Jurer que nous serons fidèles à ceux qui sont tombés pour notre Liberté »
Vivement et longuement applaudi, debout par ceux qui se trouvaient dans les tribunes, et par la foule massée dans la rue Soufflot qui suivait la cérémonie sur écran géant, le chef de l’Etat arborait un sourire qui en disait long Il était de ceux qui apparaissent sur les visages de ceux qui ont pari gagné .
Après la « Sonnerie aux morts », au son du « chant des partisans », les quatre panthéonisés à nouveau portés par la Garde républicaine à qui un escadron de la cavalerie en grande tenue, sabre au clair ,faisait une haie d’honneur, entrent dans la nécropole, suivis par le président de la République et les membres des familles, les deux filles de Jean Zay, les trois enfants de Geneviève de Gaulle- Anthonioz, le fils et la fille de Pierre Brossolette, la nièce de Germaine Tillion et Anise Postel-Vinay
Après la cérémonie, un François Hollande radieux prend le temps de saluer les dizaines d’adolescents issus des établissements scolaires qui portent le nom des quatre panthéonisés. Et de s’offrir un bain de foule
Le public est alors autorisé à se rendre dans le Panthéon. Demain après une nuit passée au rez- de- chaussée du monument, les cercueils seront descendus dans la crypte qui couvre l’ensemble du bâtiment en la seule présence de leurs familles.
F. C.