Comment renaitre à la vie, avec une identité à jamais perdue dans la brûlure des camps de la mort ?
Le film débute par une scène où Nelly (Nina Hoss, interprète magnifique de vérité et de sensibilité), de retour des camps a le visage enveloppé de bandages suite aux blessures qu’elle y a subies, et cette métaphore du visage invisible nous plonge dans un univers fantastique, voire fantomatique et lugubre, comme une sorte de référence au cinéma allemand d’avant le nazisme, dans ce Berlin en ruines où survit un cabaret au milieu de la misère suintante. (voir “Lange bleu”)
Ce décor initial, qui s’opposera ensuite à une scène finale dans la verdure d’une taverne berlinoise, comme si tout pouvait déjà s’oublier, conditionne un scénario où l’émotion transcende le vraisemblable. Ce décrochement du réel, dans le long huis clos du film, nous plonge d’autant plus violemment dans la souffrance de cette femme qui veut vivre encore, vivre, comme avant, son amour pour un homme, son amour de la vie. Elle a tellement soif d’échapper au cauchemar, quand elle même ne sait déjà plus très bien qui elle est… L’amour aveugle peut-il subjuguer la lucidité de la vengeance ?
Comme une réponse à Claude Lanzman, qui s’interdit la représentation cinématographique de la Shoah, ce film nous plonge dans l’invisible souffrance de la mémoire de l’après des camps, dans l’indicible douleur des survivants qui tentent de se reconstruire entre souvenirs mortifères et volonté de vivre malgré tout.
Et si le titre nous rappelle que le Phénix renait de ses cendres, le film nous montre que le gout des cendres n’est pas le même pour tous.
Gérard Poitou
Un film de Christian Petzold 1h 38
[vimeo]https://vimeo.com/104179101[/vimeo]