Le premier Cinémobile a été lancé par la Maison de la Culture d’Orléans en avril 1983, petit retour sur ces camions pas comme les autres avec Gérard Poitou, concepteur du projet .
– Comment vous est venue cette idée un peu folle?
En 1983, les Maisons de la Culture voulues par André Malraux, étaient les fers de lance d’une politique de décentralisation culturelle qui assurait la diffusion en “province” du spectacle vivant, théâtre danse et musique. A Orléans, comme dans quelques autres Maisons de la Culture, il existait aussi un département audiovisuel dont la mission était la décentralisation de la création audiovisuelle. Richement doté d’un tout nouvel équipement de production vidéo, nous développions des projets de réalisations dont la diffusion restait alors confidentielle, d’où l’idée d’ouvrir une salle de cinéma au sein de la Maison de la Culture, qui diffuserait les films que l’exploitation commerciale ne prenait pas en compte à Orléans.
– Et le Cinémobile alors ?
La directrice de la Maison de la Culture, Irène Ajer, avait pour ambition d’étendre son action de diffusion à tout le département (les Régions n’existaient pas encore), et lorsque l’on découvrit dans la revue “Le Film Français”, la photo d’un étrange camion prototype, c’est avec enthousiasme que l’on se dit que c’était l’outil idéal pour mener à bien notre projet de diffusion cinématographique à l’échelle du département.
– C’était quoi ce camion ?
Un étrange engin assez différent des Cinémobiles construits aujourd’hui, qui se déployait comme un papillon pour offrir une vraie salle de cinéma de cent places avec cabine de projection 35 mm, grand écran et son de qualité. Restait à trouver le financement du projet, et si nous avons eu immédiatement le soutien de Jack Lang, ministre de la Culture de l’époque, le Conseil Général d’alors, pris d’une grande frilosité, jugea le projet inopportun et de nature à concurrencer les exploitants urbains…
– Et le premier Cinémobile arriva à Orléans ?
Le premier Cinémobile à Jargeau
Oui, en avril 1983, ce fut l’inauguration en grandes pompes du premier camion dont le déficit de financement initial, du au refus du Conseil Général, provoquera quelques mois plus tard une grave crise à la Maison de la Culture et le départ de sa directrice… Mais le Cinémobile était là, restait à le faire tourner ! Car c’était bien un prototype qui se révélera particulièrement capricieux dès les premières tournées départementales: déformation de la structure, déboulonnage du projecteur par les vibrations, gel du système hydraulique, la première année fut homérique !
– Et le public ?
C’est ce qui sauva le Cinémobile de la casse ! Car dès les premières séances (le premier film fut “Travail au noir” Jerzy Skolimovski) et malgré une régularité de passage épisodique due aux pannes à répétition, le public rural découvrit avec intérêt, le plaisir retrouvé d’un bon film projeté dans les vrais conditions d’un cinéma urbain. Avec le développement des séances scolaires, le Cinémobile acheva de conquérir un public grandissant, ce qui convainquit les maires des communes de continuer à soutenir cette aventure, quand la Maison de la Culture devenue “Scène Nationale” décida d’abandonner la diffusion cinéma… Et après quelques années d’autogestion par l’Association Rurale de Culture Cinématographique, le Cinémobile fut repris par la Région à l’initiative du Président Maurice Dousset qui, ayant compris tout l’intérêt culturel de ce projet, décida de multiplier ces camions sur un modèle différent du premier, construit par la société Toutenkamion à Ladon dans le Loiret..
– Un regret ?
Oui, de voir que malgré l’expérience réussie des Cinémobiles en Région Centre (plus de 50.000 entrées par an) aucune autre collectivité territoriale en France n’a eu le courage de se lancer dans l’aventure…
– Un souvenir ?
Le déjeuner avec Catherine Deneuve, lors de l’inauguration du troisième Cinémobile, où nous avons parlé jardinage pendant tout le repas…
Propos recueillis par CB
http://www.regioncentre.fr/accueil/cinemobile.html