Certains d’entre vous s’y étaient peut-être inscrits, un collectif d’artistes (initié par Alain Bachellier, voir article ci dessous) avait décidé de faire de ce 20 mai pluvieux la Journée du Nu sur Facebook, en créant un événement qui invitait les participants (il y avait plus de neuf mille inscrits) à publier une image de nu “artistique” sur leur page. Le but de cette journée (qui était aussi le jour de clôture du Festival de photo de Nus d’Arles, voir le lien) était de protester contre la censure systématique des images de nu(e)s sur Facebook, qui a conduit à la fermeture des pages de la Cinémathèque Française, du musée du Jeu de Paume, des Cahiers du Cinéma et même de la très sérieuse Tribune de Genève et bien d’autres, pour avoir publié des photos d’œuvres d’art pourtant en libre accès dans nos musées nationaux.
Et sans surprise, l’initiative n’a pas plu aux dirigeants de Facebook qui ont carrément supprimé la page dès 16 h.
Certes on peut comprendre que Facebook veuille se prémunir de la pornographie envahissante dont les Etats Unis sont aussi les plus gros producteurs et consommateurs, et le terme “artistique” ne signifie pas toujours accessible à tous: Apollinaire, Pierre Louys et autre Sade ont écrit des textes que l’on ne mettrait pas dans toutes les mains. Il existe donc en France une législation de protection des mineurs qui même si elle est bien peu efficace sur internet, est chargée de veiller aux respects des bonnes mœurs, sujet ô combien délicat lorsque l’on se souvient des procès faits à Baudelaire ou à Flaubert en leur temps.
Ce qui pose en fait, problème, c’est ce statut de “communauté” mondiale de Facebook qui lui permet à la fois d’échapper à toute forme de juridiction notamment sur les droits d’auteur où chacun est libre de publier textes, photos ou vidéos sans aucun contrôle, et en même temps d’établir au nom de cette même communauté des règles morales inspirées du puritanisme américain. L’obsession pour la nudité des seins féminin en est le symptôme le plus criant (on se souvient du scandale de Janet Jackson), au même titre que les visages ou les chevelures de femmes pour certains pays musulmans (heureusement Facebook n’a pas été créé par un Saoudien…).
On est loin ici de la pornographie, et le prétexte invoqué de la protection de l’enfance (rappelons qu’il faut avoir plus de treize ans pour avoir une page Facebook), relève de la plus hypocrite tartufferie (“Cachez ce sein que je ne saurais voir!”) dans un pays qui autorise les enfants à posséder des armes à feu bien réelles !
Et derrière cette question de la liberté d’expression, c’est une vraie question de société qui se pose: quand on sait que les États Unis sont le pays “développé” où se pratique le plus d’avortements d’adolescentes, faute d’éducation sexuelle et contraceptive digne de ce nom…
Gérard Poitou
A lire:
https://plus.google.com/100644763131636027639/posts/GPkggGSum9f?partnerid=gplp0
http://www.fepn-arles.com/
http://blogs.mediapart.fr/blog/ivan-villa/200513/aujourdhui-cest-la-journee-fesses-book-pour-denoncer-la-censure-legard-du-nu