L’ONU et les médias relèvent une vague de stigmatisations et de discriminations envers la population chinoise partout dans le monde, le territoire français n’étant pas exclu. Les instants de crises mettent en exergue des croyances déjà ancrées mais de façon largement plus violente, englobant les populations asiatiques. Cependant, le racisme anti-asiatique s’était déjà manifesté bien avant l’apparition du virus.
Tel le coronavirus, le racisme pèse sur la population asiatique, a fortiori chinoise. ©Pixabay
« Je ne suis pas raciste, mais je remarque que vous les chinois, vous tenez tous les tabacs, j’ai peur qu’un jour vous contrôliez toute l’économie », mais surtout ces doux sobriquets non-exhaustifs apposés sur les faciès des asiatiques : « Bol de riz », « sushi », « mangeur de chien », « chintok », « Jacky Chan », « Katsumi », des propos tenus de façon totalement décomplexée dans la bouche de monsieur et madame tout-le-monde. La première génération d’asiatiques immigrée en France a fermé les yeux sur ces maux. Aujourd’hui, les enfants issus de cette première génération refusent de continuer à tolérer plus longtemps le racisme ordinaire qui s’est installé. Les Français d’origines asiatiques ne supportent plus d’entendre leurs mères, pères, sœurs et frères se voir énoncer avec ce ton condescendant des remarques tels que : « Ne me parlez pas de contrefaçon, alors que vous les chinois, vous arnaquez tout le temps les gens », dixit le vendeur d’un magasin de produits d’occasion orléanais devant une mère, ou « roulez pas comme ça, on n’est pas en Chine ici ! », scandé par un conducteur.
Aujourd’hui, la communauté asiatique de France refuse qu’on minimise ces humiliations : « tu racontes n’importe quoi, le racisme envers les asiatiques ça n’existe pas, en plus vous ne subissez pas de discriminations à l’emploi ! », sans compter les reproches d’extrapolation du terme racisme: « le racisme c’est quand il y a une volonté de vouloir du mal à une population, quand il y a une véritable structure, c’est pas le cas des asiatiques, puis quand tu te prends des remarques comme ça, c’est ponctuel. » Dans quel monde vivent-ils ? Le racisme envers les personnes asiatiques suscite rarement l’indignation générale.
Courrier International titre : « En France, le racisme plus contagieux que le coronavirus », titre à moitié vrai car le racisme envers les asiatiques est un phénomène latent. Le coronavirus a simplement libéré la parole découlant de clichés véhiculés dans l’inconscient collectif. En réponse à cette hystérie collective, est apparu le #JeNeSuisPasUnVirus sur les réseaux sociaux, on y lit des témoignages : des asiatiques chassés des métros, des personnes changeant de trottoir, d’autres encore refusant de se faire soigner par des personnes d’origine asiatique. A Sydney, en Australie, un homme est mort d’une crise cardiaque, abandonné sur le trottoir, par peur de la part des passants d’attraper le virus.
Un racisme ordinaire
Le sketch Les Chinois de Kev Adams et Gad Elmaleh est sorti en 2016. Les deux protagonistes horrifiés d’être accusés de racisme se défendent, dénonçant faire un spectacle déconstruisant les clichés. Échec fatal. Le sketch renvoie un message aux antipodes de l’effet escompté aux téléspectateurs. En 2018, W9 choisit de rediffuser le sketch.
En 2017, des médias comme France24, le Huffington Post révèlent qu’une comptine, « Chang le petit chinois », est apprise dans une école parisienne. Dans un article de France 24, Bernard Tran, président de l’association de promotion de la culture asiatique, témoigne : « Le message que cette comptine véhicule est simple : un chinois est forcément petit aux yeux bridés, à part du riz, il ne mange rien d’autre et ne quitterait jamais ses tongs, sans compter les improbabilités des rimes avec les orangs-outans (animaux vivant en Malaisie et Indonésie) et le ping-pong (sport anglais). Ce que l’on peut constater ici, c’est la volonté de perpétuer l’image de l’indigène asiatique arriéré et docile que l’on retrouve dans les cartes postales des colonies françaises au début du siècle dernier. Ce qui est extrêmement offensant envers la communauté asiatique.»
« Vous les Chinois, on vous aime bien parce vous êtes discrets et puis vous êtes bons à l’école et surtout en maths », des clichés flatteurs pour les personnes énonçant ces phrases mais dépersonnalisant l’individu pour lui coller l’étiquette de son origine. Cette étiquette a un autre corollaire « c’est bon, cambodgienne, chinoise, vous êtes tous les mêmes de toute façon ». Le mot chinois a remplacé le terme d’asiatique. La Chine est devenue le seul pays sur le continent. Pourtant géographiquement et historiquement, le continent est composé de plusieurs pays aux cultures différentes.
Une vidéo d’Isabelle Balkany, actuellement maire par intérim de Levallois-Perret, dans la permanence de campagne de Patrick Balkany en 2002, a refait surface sur la toile. Complètement déconnectée de ce monde, Madame Balkany raconte enjouée à la caméra avoir décidé de renommer l’employé de la mairie de Levallois-Perret « grain de riz ». D’après l’ancienne émission d’investigation 90 minutes, l’employé serait d’origine cambodgienne mais Isabelle Balkany rectifiera dans un post Facebook « Vietnamien, pas Cambodgien, ça le vexe ! ». La mise en lumière de la violence de cette vidéo aura au moins permis de montrer qu’en 2020, il y a un éveil des consciences. Espérons que cela continue dans ce sens car les clichés peuvent tuer également. Cela a été le cas du couturier chinois, Chaolin Zhang, victime d’une agression en 2016 à Aubervilliers car « les chinois ont toujours du liquide sur eux ».
Persisterez-vous à dire que le racisme envers les asiatiques n’existe pas ?
Melissa Chenda ANG