L’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules (http://www.magcentre.fr/181885-le-temps-des-batards-est-revolu/) occulte les articles sur les tests génétiques et la recherche sur l’embryon contenus dans la loi bioéthique en discussion au Parlement. Cette partie de la loi a des conséquences sociétales essentielles et repoussent les limites d’un eugénisme non avoué.
Un eugénisme accepté implicitement
Anthropométrie
« L’eugénisme peut être désigné comme l’ensemble des méthodes et pratiques visant à améliorer le patrimoine génétique de l’espèce humaine. Il peut être le fruit d’une politique délibérément menée par un État » (https://fr.wikipedia.org/wiki/Eugénisme). La France pratique l’eugénisme mais ne l’assume pas. Certes, c’est un eugénisme que l’on peut définir comme doux, positif, voire vertueux et bon, éloigné de l’eugénisme autoritaire, violent, racial et exterminateur des temps barbares.
Les arguments de ceux qui réfutent ce qualificatif d’eugénisme font état du caractère médical des actes, qui concernent des maladies et non des facteurs esthétiques ou des qualités intellectuelles. Ils renforcent leur démonstration douteuse par le fait que ces activités médicales interviennent toujours dans le cadre d’un volontariat des personnes qui y participent et que leur mise en œuvre a lieu dans des cas particuliers, plutôt que pour l’ensemble de la population. Même partiels et restrictifs, ces actes participent néanmoins d’un eugénisme accepté implicitement puisque la loi parle uniquement d’encadrement des pratiques concernant les gamètes, les embryons, les fœtus et la procréation et non d’interdiction.
Une mesure eugénique légale
Rappelons, que pour toutes les femmes enceintes, les médecins français ont le devoir de proposer le diagnostic prénatal du syndrome de Down (trisomie 21) que l’assurance maladie rembourse https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000020814373). Cette obligation médicale est généralisée à l’ensemble des femmes au début de leur grossesse. C’est une mesure eugénique légale. En cas de positivité, cet examen entraînerait un avortement (possible jusqu’au terme de la grossesse) dans 95 % des détections. Aujourd’hui, l’approbation est quasi générale car il est compréhensible, licite et salutaire qu’une mère, un couple, puissent souhaiter avoir un enfant en bonne santé, que sa prise en charge pour une maladie héréditaire soit la plus précoce possible ou de vouloir éviter une naissance ayant un pronostic dramatiquement sombre.
La mise en place d’une authentique politique eugénique
Dans le projet de loi, selon l’alinéa 2 de l’article 14 « Des recherches menées dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation peuvent être réalisées sur des gamètes destinés à constituer un embryon ou sur l’embryon avant ou après son transfert à des fins de gestation». L’article 18 est ainsi rédigé : « l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne à des fins de recherche scientifique peut être réalisé à partir d’éléments du corps de cette personne prélevés à d’autres fins lorsque cette personne, dûment informée du programme de recherche n’a pas exprimé son opposition ».
Un peu plus loin, il est mentionné : « En cas de découverte de caractéristiques génétiques pouvant être responsables d’une affection justifiant des mesures de prévention ou de soins à son bénéfice, la personne en est informée sauf si elle s’y est préalablement opposée » : Si ce n’est pas une mise en place d’une authentique politique eugénique, on en est bien proche.
Les DPNI entraînent de facto des demandes d’interruption de grossesse
Le séquençage du code génétique humain s’est banalisé. Il existe maintenant des tests qui évaluent les risques de maladies héréditaires avant tout projet de grossesse. Ils se réalisent de plus en plus facilement et à des un coûts qui ne cessent de décroître. Les tests prénataux non invasifs (DPNI) ne nécessitent qu’un échantillon de sang ou de salive de la femme enceinte et permettent d’analyser l’ADN d’un fœtus. En France, l’interruption médicale de grossesse (IMG), encore appelée avortement thérapeutique (https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/img/comprendre-img), est autorisée lorsque la poursuite de la grossesse fait courir un risque majeur à la mère ou lorsqu’il existe « une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic ».
Les DPNI entraînent de facto des demandes d’interruption de grossesse justifiées si un risque statiquement important d’anomalies pour l’enfant à venir est démontré.
L’acceptation non dite d’un « eugénisme de protection »
La toute puissance des progrès technologiques médicaux, que rien n’arrêtera, et la fascination qu’ils suscitent, entraîne l’acceptation non dite d’un « eugénisme de protection » débarrassé de toute idéologie raciste. En dehors des questions d’ordre scientifique, ce fait soulève pourtant de vastes questionnements sur la procréation, la naissance, la maladie, le handicap, la parenté, la vie, la normalité… Le mot d’eugénisme fait peur mais la représentation parlementaire d’une nation avancée telle que la nôtre ne doit pas escamoter ces questions, ni éviter frileusement le débat sur les demandes de certains de ses membres, concernant leur hérédité et les conséquences éventuelles.
Ne pas être submergé par une quête eugénique extrême
Pour ne pas être submergé par une quête eugénique extrême et pouvoir la dominer, il faut accepter en conscience que l’eugénisme fait désormais partie intégrante de nos mœurs. Le travail d’amont sur la loi, en commission spéciale, est important. Cependant, ce n’est qu’une petite poignée de spécialistes qui participe à la discussion.
Est-ce par crainte, incompétence ou désintérêt vis à vis de cette question vitale pour l’avenir de la société que l’on constate, durant les votes des différents articles de la loi bioéthique, que le Parlement est en grande partie déserté par ses membres ?
Jean-Paul Briand