Elue sur la liste de Serge Grouard en 2014, nouvelle venue dans une équipe renouvelée, ancienne journaliste à France 3, encartée alors UDI tout en ne cachant pas certaines sympathies à gauche après avoir appartenu au SNJ-CGT, Nathalie Kerrien apparaissait comme une adjointe d’ouverture au sein de l’équipe municipale. Cinq ans plus tard, devenue LREM, elle décide, à la suite de Serge Grouard, de quitter l’équipe municipale pour des raisons dont elle s’est expliqué par ailleurs, tout en conservant son mandat d’élue départementale. Mais quel bilan peut-on tirer de son passage à ce poste clef de la politique d’une ville.
Acte I Les liquidateurs
Serge Grouard réélu brillamment en 2014 maire d’Orléans n’a qu’une idée pour ce nouveau mandat: être plus filloniste que François Fillon et son credo: la dette publique étrangle le pays et seule la réduction des dépenses publiques nous rendra notre lustre… et bien sûr la ville doit donner l’exemple, et la culture apparaît comme la variable d’ajustement opportune pour cette réduction des dépenses. Nathalie Kerrien en fait directement les frais contrainte d’annoncer en 2015 pour cause de manque de notoriété, la suppression du festival Orléans’Jazz après avoir affirmé la continuité du festival un an plus tôt, remplacé par un événement mort-né intitulé Orléanoïde…
Nathalie Kerrien, Orléans’Jazz 2014
En plus des réductions de subventions tous azimuts, d’autres décisions moins visibles vont permettre de faire quelques économies sur le dos la culture comme les postes vacants à la direction du muséum ou à celle du musée des Beaux Arts qui génère un lent délabrement des œuvres avec une climatisation en panne (voir Magcentre), situation qui s’achèvera par la nomination d’une seule directrice à la tête à la tête d’un mouton à cinq pattes: les cinq “musées” orléanais. On peut ajouter la vente à vil prix de la maison historique dite de Pierre du Lys promise comme médiathèque aux habitants du centre ville suite à la fermeture de l’ancienne bibliothèque Dupanloup.
Pourtant Serge Grouard a un projet culturel personnel pour la ville qui doit lui apporter les bonnes grâces des écolos, le MOBE, (Museum Orléanais de la Biodiversité et de l’Environnement) avec un programme plutôt ambitieux, un conseil scientifique de haut niveau mais qui va tout de même priver pendant 5 ans les Orléanais petits et grands de culture scientifique avec aucune alternative envisagée à la fermeture du site et des collections.
Ajoutons à ce propos, la très curieuse décision de Nathalie Kerrien de faire discrètement disparaître la collection de plantes exotiques de la serre du jardin des plantes, collection débutée par les premiers passionnés orléanais de la biodiversité dès le XVIIIe siècle, pour faire de cette serre enfin restaurée une salle de réception privative à usage épisodique.
Acte II, La culture, le retour
La démission surprise de Serge Grouard laisse la place à Olivier Carré qui dès sa prise de fonction affirme son attachement à une politique culturelle forte pour la ville d’Orléans, et Nathalie Kerrien retrouve le sourire avec une première mesure pour le moins populaire: la gratuité d’accès pour les Orléanais dans les médiathèques. Suivent d’autres décisions comme la création du site internet “On sort” ou l’opération “Hors les Murs”, animation culturelle urbaine censée inciter le public à se rendre dans les grandes institutions dont dispose la ville sans que le lien soit particulièrement probant.
Le budget de la culture est privilégié, et les projets s’enchaînent avec les Vinaigreries Dessaux promues centre d’art contemporain dont les travaux sont en panne depuis le 1° juillet 2018, ou le projet d’une Cité des Arts Vivants qui (enfin) intégrera une salle digne de ce nom pour les musiques actuelles de l’Astrolabe réunies pour l’occasion avec le Conservatoire, projet nécessaire et ambitieux mais dont la localisation au pont de l’Europe ne semble pas avoir fait l’objet d’une grande concertation malgré l’attachement d’Olivier Carré à la “co-construction” de la ville.
Nathalie Kerrien (alors UDI).
Musique et Equilibre se voit attribuer un local équipé à l’Argonaute pour ses activités de concert mais c’est surtout le Musée des Beaux Arts qui entame une résurrection avec l’achat d’un portrait au pastel de Thomas Aignan Desfriches, fondateur du musée, début d’un renouveau d’acquisitions, mis en valeur par une rénovation complète du musée étage par étage menée par la nouvelle directrice des cinq musées orléanais, Olivia Voisin.
Et bien sûr, Olivier Carré voulait lui aussi, après le Festival de Loire de Serge Grouard, son nouvel événement culturel, les Voix d’Orléans furent lancées avec des moyens conséquents à la hauteur des ambitions de rayonnement de la ville, mais avec un ancrage local qui laisse encore à désirer pour que ces Voix élargissent leur audience orléanaise.
Acte III Culture, et maintenant ?
Pourtant dans ce bilan volontariste, bien des dossiers restent inachevés et sans doute l’un des moins visibles est celui du devenir du Théâtre d’Orléans dont on vient d’inaugurer un nouveau parvis et une belle rénovation de façade, alors que cette structure qui réunit les quatre acteurs majeurs du spectacle vivant de la ville (CDN, CCN, Scène Nationale, CADO), multiplicité de structures qui reste une chance pour Orléans, a besoin d’une importante mise à jour de son fonctionnement. Deux audits financiers sont restés dans les tiroirs, ils auraient du permettre d’avancer dans une meilleure intégration de ces structures pour un meilleur service aux Orléanais comme par exemple une billetterie commune. Ajoutons au problème du Carré Saint Vincent (ex Maurice Genevoix), la situation de la salle Gérard Philipe de la Source avec une maigre programmation de spectacles vivants, certes de qualité, mais totalement insuffisante pour une “sous-ville” de 20.000 habitants.
Et puis, il y a les oubliés comme le petit théâtre du Parc Pasteur, fermé depuis deux ans, en attente d’une véritable restauration pour à nouveau accueillir des enfants privés de spectacle, le musée Historique et Archéologique dont les intéressantes collections restent présentées de façon très traditionnelle, loin de bien des musées contemporains, et comble pour la cité johannique, une Maison de Jeanne d’Arc “très, très décevante“ avis quasi unanime sur Trip Advisor.
Et même si cela ne relève pas directement de la ville, ce bilan culturel ne serait pas complet sans souligner la disparition des galeries d’art (qui fleurissent à Tours) et la disparition de la librairie Passion Culture, commerce culturel exemplaire qui sera remplacé, malgré les promesses de la ville, par un produit exotique: la choucroute, pour paraphraser un film de Jean Yanne…
Et pour conclure ce bilan contrasté, alors que les candidats pas encore déclarés aux prochaines municipales doivent commencer à peaufiner leur programme électoral, la dimension de métropole régionale d’Orléans devrait conduire à penser une politique culturelle élargie, dans un domaine qui reste encore trop souvent le pré carré de l’ambition des maires, laissant souvent à leurs adjoints à la culture une marge d’initiative limitée.
Gérard Poitou