Le fabuleux destin du kouprey de Bourges

Bourges 14-18 102

La dernière photo d’un kouprey (bœuf du Cambodge) à l’état naturel est signée Pierre Pfeffer en 1960 ; la dernière observation date de 1988.

Depuis, les scientifiques croient l’espèce disparue. Lorsque Michel Tranier, responsable des collections du Museum national d’histoire naturelle, à l’occasion d’un colloque de mammalogie à Bourges en 2003, croise par hasard le bœuf naturalisé, il conseille au conservateur, Michèle Lemaire, de faire effectuer quelques analyses.

Amputé de ses attributs mâles

Cette dernière en appelle à Yves Walter, seul restaurateur de collections zoologiques en activité en Europe qui vient prélever un morceau de mâchoire du bœuf asiatique encore réputé banal. Bonne pioche. Des radiographies effectuées sur place vont confirmer que l’animal est un kouprey, espèce que l’on estime aujourd’hui disparue. L’intérêt pour les biologistes comme Alexandre Hassanin qui lui consacre à cette époque une publication, c’est que l’individu est en entier – hors ses attributs de mâle dont il fut amputé lors de sa naturalisation en 1871, ce qui laissa perplexe les plus grands spécialistes – contrairement aux autres référents de Paris et aux Etats Unis.

La dernière réserve scientifique levée concernait les comparaisons peu satisfaisantes avec le bovin sauvage décrit en 1937 par Achille Urbain ou d’autres morceaux d’individus connus. Précisément l’animal était domestiqué et non sauvage. C’est l’étymologiste qui est venu cette fois au secours du scientifique, en lui confirmant que « kou » signifiait « bovin domestique » et « prey » ou « proh » traduisait le mot « forêt ». Le « sauvage » pouvait être « domestiqué » pratique qui n’était pas connue encore récemment.

Un don du ministre de la Marine

Ce kouprey, unique spécimen complet naturalisé dans le monde, fait partie de la décentralisation des collections du muséum national effectuée en 1931 avec comme lettre de recommandation : « Bœuf du Cambodge, don du ministre de la marine ». Il est arrivé à Bourges en même temps que Hans le plus vieil éléphant naturalisé de France (deux cents ans). Après restauration, il a été placé dans une cage protectrice en verre afin d’être montré au grand public.

Le kouprey est désormais le héros d’une bande dessinée –Le Massacre – grâce à Simon Hureau qui a en l’occurrence relier le destin de ce « biscornu irrésistible » à la « vocation » génocidaire d’un Pol Pot, situant sa fiction dans l’Indochine des années 1920 et 1930.

Patrick Martinat

– Le Massacre, Simon Hureau, éditions La Boîte à bulles, 2013 

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Simon Hureau 3

EN RÉFÉRENCE À POL POT

P.M. : Ce qui intrigue autant dans votre histoire, Le Massacre, c’est la liaison que vous établissez entre ce kouprey et Pol Pot…

S.M. : Le kouprey est un bœuf du Cambodge. Or j’ai ramené des souvenirs assez forts de mon voyage au Cambodge en 2000. Une ambiance. L’histoire de ce peuple et des Khmers rouges m’a bouleversée et notamment les dessins de témoignage de Vann Nath, le « peintre » du camp S 21 à Phnom-Penh. Je m’en suis inspiré. Le reste est évidemment de la fiction servie par le fait que l’on connaît très mal l’enfance de Pol-Pot. Je me suis également plongé dans des vieux bouquins…».

P.M. : Quand avez-vous fait connaissance du kouprey du Museum de Bourges ?

Simon Hureau 1S.M. : En 2009 j’ai publié Intrus à l’Etrange qui parle de chauves-souris et j’ai appris que ces petites bêtes n’étaient pas étranges pour le Museum de Bourges. L’an passé, j’ai fait d’une pierre deux coups en passant voir ce temple de la chauve-souris qui conservait dans ses murs le fameux kouprey naturalisé entier, le seul spécimen au monde. Il fallait que je le vois !

P.M. : Et si vous aviez à vous présenter…

S.M. :Je suis né à Caen (en 1977) où j’ai passé 3 ans aux Beaux arts avant de partir 2 ans à Strasbourg aux art-déco. L’essentiel de mon activité est la bande dessinée où je tente de parler du monde d’aujourd’hui.

P.M. : Vous avez des ouvrages sur le feu ?

S.M. : Un sur Amboise, un autre sur l’Indonésie, un autre encore dans la série « Parole de…Oui, je suis occupé ».

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LA PREUVE…

En vrac, Simon Hureau confie se partager entre des fictions contemporaines (Tout doit disparaître, Intrus à l’Etrange) « sans renier parfois une certaine noirceur (Aspic Voisine,Colombe et la Horde). Il donne également dans le « fait divers scrupuleusement historique » ( Hautes Œuvres) et le récit de voyage (Palaces, Bureau des prolongations), sans s’interdire « une petite virée dans le monde de la jeunesse et des ombres chinoises » (La nuit des cages, Ronde de nuit) ou dans le monde des préados (L’Empire des Hauts Murs). Ne négligeant pas l’humour il avoue sa « grande fierté à être admis dans les pages de Lapin.

Simon Hureau 2Enfin, adorateur revendiqué du « carnet, objet magique, inépuisable et multiforme » il appartient à une « secte » regroupant « de ces joyeux fondus de carnets de voyage » appelée « Les carnettistes tribulants » dont une dizaine d’entre eux viennent d’être invité en Chine…Simon Hureau habite aujourd’hui Langeais (Indre-et-Loire).

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