Le premier visiteur de l’exposition “Germaine Tillion et l’Algérie” n’était autre ce samedi matin que François Bonneau le président de la Région accompagné de Nathalie Kerrien adjointe à la culture de la ville d’Orléans. Cette première visite publique suivie d’une seconde et d’une conférence plus développée dans l’après midi à l’auditorium de la Médiathèque d’Orléans, fut l’occasion pour Christian Phéline, commissaire de l’exposition et auteur d’un recueil de photos de Germaine Tillion, d’exposer plus en détails l’origine et les conditions de réalisation de ces trente cinq photos choisies parmi les mille cinq cents retrouvées dans les archives de Germaine Tillion.
Christian Phéline raconte les photos de Germaine Tillion.
On sait que Germaine Tillion partit pour les Aurès en 1935 avec une collègue Thérèse Rivière dans le cadre d’une mission ethnographique commanditée par le Musée de l’Homme comme celles, souvent plus connues, de Claude Lévi-Strauss (“Tristes Tropiques” en Amazonie) ou de Michel Leiris (“L’Afrique fantôme” Dakar-Djibouti). La mission “Tillion-Rivière” présente plusieurs spécificités, d’abord d’être conduite par deux femmes dans une région qui est alors un département français et surtout de durer plus de deux ans sur le terrain. Les deux femmes tout en représentant un lien avec l’autorité coloniale, vont établir avec les habitantes des relations beaucoup plus intimes avec les réalités de la vie sociale et privée des communautés qu’elles vont rencontrer, et cette proximité dans la relation avec les sujets photographiés est sans doute ce qui marque le visiteur au premier regard.
Mais ces photos ne sont pas des photos artistiques ni des cartes postales comme il s’en produisait alors dans cette région au tourisme balbutiant, il s’agit pour les deux ethnographes d’une démarche beaucoup plus scientifique qui consiste à collecter des objets représentatifs pour les collections du Musée de L’Homme, en les documentant par des photographies qui inventorient costumes, travaux divers, cérémonies mais aussi tatouages, bijoux etc… Le format carré de ces photos lié à l’usage du Rolleiflex de l’époque renforce ce caractère documentaire des prises de vues, pourtant, par la composition des cadrages mais surtout par la relation qu’expriment l’échange des regards entre photographe et photographié(e)s, ces photos font preuve d’une humanité qui transcende le cadre de la prise de vue.
Au delà de ces photos, Germaine Tillion, dans sa relation avec les populations autochtones qu’elle étudiait, décida d’apprendre leur langue, le berbère, et elle fut la première femme diplômée de berbère de l’Institut des Langues Orientales de Paris en 1942, peu de temps avant son arrestation et sa déportation au camp de Ravensbruck. Quant aux objets collectés, ils firent l’objet d’une exposition au Musée de L’Homme à partir de 1943 et y restera jusqu’à la Libération afin d’empêcher l’installation d’une autre exposition voulue par les autorités racistes de Vichy…
Si Germaine Tillion fait preuve dans cette exposition d’un don certain pour la photographie, elle ne produira plus de photos lorsqu’elle reviendra en Algérie à partir de 1954 pour faire le constat de la déstructuration de la société traditionnelle algérienne par la colonisation, situation qu’elle dénoncera dans un ouvrage “L’Algérie en 1957” créant le néologisme de “clochardisation” sociale.
Gérard Poitou
>L’exposition photos
L’exposition réunissant trente six tirages se déroulera du 1° mars 2019 au 29 mars dans la salle d’exposition de la Médiathèque d’Orléans place Gambetta
-2 visites guidées: le 2 mars à 11h (Christian Phéline)
-le 21 mars à 15h (Marie Rameau,responsable de l’exposition à l’Association Germaine Tillion).
Des visites scolaires pourront également être programmées avec la Médiathèque
>Les trois conférences-rencontres :
A l’auditorium Marcel Reggui:
-samedi 2 mars à 15h : présentation des photos par Christian Phéline,Commissaire de l’exposition de Montpellier.
-jeudi 21 mars à 18 h, avec Tassadit Yacine,spécialiste de littérature berbère: la contribution de Germaine Tillion à la connaissance du monde arabo-berbère algérien.
A la salle Dupanloup :
-Une Table Ronde est prévue le jeudi 14 Mars à 18h au Centre de Recherche Universitaire, rue Dupanloup, autour de l’implication politique de Germaine Tillion dans le conflit algérien.
Cette table ronde d’historiens abordera l’action culturelle et politique de Germaine Tillion en faveur de l’Algérie (son rôle au cabinet du Gouverneur Général de l’Algérie, la création des Centres Sociaux, sa rencontre avec Ali la Pointe, ses missions d’enquête contre la torture, ses recours en grâce…)
Un événement soutenu par la ville d’Orléans et la Région Centre Val de Loire