Alors qu’Orléans (et quelques autre villes de la région) fête cette année encore le nouvel an chinois par de naïves festivités destinées à concrétiser la bonne volonté pour ne pas dire la soumission de nos autorités à la puissance commerciale de l’Empire du Milieu, pourquoi ne pas souhaiter aussi longue vie au président Xi qui vient de s’autoproclamer président de la République Populaire à vie, dans une sorte d’actualisation du titre du livre, “Les habits neufs du président Mao” (Simon Leys), livre qui révéla aux intellectuels occidentaux les réalités terribles de la révolution culturelle chinoise.
La Chine vue par les élèves d’Orléans
Bien sûr, la manne touristique espérée en retour est proportionnelle à la pudeur qu’il convient de respecter sur cette dictature libéralo-communiste vantée jusqu’au sommet économique de Davos par M. Xi, il est opportun donc d’oublier le Tibet, ce pauvre pays qui ne dispose que d’un seul touriste en la personne du Dalaï Lama qu’il vaut mieux aujourd’hui éviter de recevoir. Il convient également de faire silence sur la répression qui sévit en Chine à l’égard des minorités non-han, ou de ce qu’il en reste, de ne pas parler des camps où vivent des millions de prisonniers, politiques comme de droit commun, qui produisent une partie significative de ce que nous achetons à la Chine, mais surtout d’éviter de s’appesantir sur ce formidable système de surveillance généralisée mis en place par la dictature chinoise qui, grâce à l’internet et la vidéo-surveillance, permet dès à présent d’identifier et de contrôler en permanence la vie de chaque Chinois.
M. Xi sur Arte
capture d’écran Arte
Bien sûr, nous commerçons avec bien d’autres dictatures souvent guère plus fréquentables que l’Empire du Milieu qui comme sont nom l’indique conserve l’ambition d’être le centre du monde qui irradie de sa culture et de son savoir le reste de l’humanité. Car la Chine, bien plus que les pauvres monarchies pétrolières, a l’ambition et les moyens d’imposer sa vision du monde et ne se gène pas d’acheter tout ce dont elle a besoin pour y parvenir, hommes comme infrastructures. L’excellent documentaire d’Arte “Le monde selon Xi Jinping” ( https://www.arte.tv/fr/videos/078193-000-A/le-monde-selon-xi-jinping/ ) vient opportunément nous rappeler (attention il n’est visible que jusqu’au 19 février) comment la puissance chinoise se construit à travers le projet des “Routes de la soie”, conquête commerciale et politique qui doit voir son apothéose en 2049, pour le centenaire de la révolution communiste chinoise, ambition d’un gouvernement qui ne doute évidemment ni de son action ni de sa pérennité.
Le folklore et démocratie
Bien sûr, souhaiter longue vie à M. Xi trouve un curieux écho dans notre France envahie chaque fin de semaine par des défilés réclamant “Macron démission !”, et produisant des désordres bien fâcheux pour nos magasins parisiens qui engrangent d’ordinaire la manne inépuisable du touriste chinois. Et entre la sérénité chinoise et nos démocraties malades, la tentation et la justification de gouvernements d’ordre se font chaque jour plus pesantes, voire nécessaires dans une Europe qui se perçoit en déclin.
Nos apprentis dictateurs européens aux petits pieds se nourrissent implicitement de cette reconnaissance de la puissance chinoise économiquement compatible, c’est pourquoi dénoncer la dictature chinoise n’est pas qu’une posture intellectuelle de salon, c’est un combat que tout citoyen se devrait de mener pour défendre ici comme ailleurs les principes fondamentaux de la démocratie et des droits de l’homme qui l’accompagnent, sauf à faire de la démocratie une sorte de folklore local, tout juste bon pour figurer au patrimoine de l’UNESCO.
Gérard Poitou