« J’ai commis un certain nombre d’erreurs, des erreurs que j’ai reconnues volontiers auprès de mes proches, auprès de mon entourage, que je reconnais publiquement devant vous, et je l’ai fait également devant la justice ». D’Alexandre Benalla la commission d’enquête sénatoriale n’obtiendra guère plus.
Convoqué pour la deuxième fois devant les sénateurs pour s’expliquer sur ses agissements et sur les suites données à son licenciement, l’ancien collaborateur d’Emmanuel Macron, a botté sans cesse en touche quand il n’a pas carrément refusé de répondre aux questions précises, estimant au passage avoir subi dans la presse un “lynchage en règle”. Alexandre Benalla avait déjà été entendu le 19 septembre par cette commission d’enquête sénatoriale créée cet été après sa mise en examen pour des violences sur des manifestants le 1er mai, alors qu’il était “observateur” aux côtés de la police. Il a de nouveau été mis en examen vendredi dernier, cette fois pour utilisation abusive de passeports diplomatiques après son licenciement.
« Je ne vous ai pas menti »
« Le 19 septembre, lorsque j’étais présent devant vous, sous serment, je vous ai dit que ces passeports doivent être dans mon bureau à l’Elysée et qu’ils doivent être restitués. Je vous réaffirme solennellement, que mes passeports étaient à l’Élysée. Je vous le réaffirme solennellement, je ne vous ai pas menti lorsque je vous ai dit que mes passeports étaient à l’Élysée ». Elégant costume sombre, belle montre étincelante au poignet, assis entre le co-rapporteur Jean-Pierre Sueur, et son avocate, Jacqueline Laffont, Alexandre Benalla répond avec l’assurance de ceux qui ont réponse à tout.
Alors qu’il les avait laissés à l’Elysée, ces passeports diplomatiques lui ont été rendus fin septembre sans qu’ils portent l’interdiction de s’en servir. Par qui ? Mystère. Ici commencent les silences de l’ancien chargé de mission « Je ne répondrai pas à ces questions devant votre commission, j’en suis désolé. Les déclarations que je peux faire devant vous sous serment peuvent être retenues contre moi par la justice ultérieurement ».
Bien que le président de la commission, Philippe Bas (LR) et le rapporteur PS, Jean-Pierre Sueur lui aient rappelé à plusieurs reprises qu’ils posaient ces questions dans le strict cadre de la commission et du contrôle de l’Etat, bien qu’ils aient fait planer la menace de 7 500 euros d’amende et de deux ans de prison en cas de refus de répondre à leurs questions, Alexandre Benalla s’en est tenu à sa ligne de conduite : « Je ne répondrai pas à ces questions devant votre commission, j’en suis désolé »a-t-il insisté à plusieurs reprises.
D’étranges silences
A Jean-Pierre Sueur qui, après avoir souligné son « appétence pour les passeports diplomatiques », l’interrogeait sur ces déplacements à l’étranger après son licenciement, 23 entre août et novembre, notamment au Tchad peu avant la venue d’Emmanuel Macron, Alexandre Benalla a affirmé que « ces déplacements n’avaient aucun rapport avec ses précédentes fonctions à l’Elysée. Avoir voyagé avec mes passeports diplomatiques était une connerie », a-t-il reconnu. « Ces passeports diplomatiques ont été délivrés normalement, a-t-il lâché alors que Philippe Bas soulignait que son silence pouvait laisser penser que la question le gênait.
Au sujet de ses déplacements, notamment en Afrique, Alexandre Benalla a encore répondu à minima. Concernant son déplacement au Tchad il a indiqué « J’ai avisé des personnes de l’ensemble de mes déplacements à l’étranger, des membres de la présidence de la République » sans préciser les noms.
De même, alors que Patrick Stroda, le directeur de cabinet de la présidence de la République avait affirmé la semaine dernière que M. Benalla avait été en possession de deux passeports de service, soupçonnant que l’un d’eux ait été obtenu, le 28 juin 2018 via « une falsification », l’ancien chargé de la sécurité du candidat Macron a opposé le silence en vertu du secret de l’instruction. « Je ne détiens aucun secret sur qui que ce soit. Je ne fais aucun chantage », faisant ainsi allusion aux rumeurs de protection dont il parait jouir.
Beaucoup d’invraisemblances
Après l’audition et en guise de conclusion, Philippe Bas, le président de la commission a jugé qu’il « y a beaucoup d’invraisemblances et de contradictions dans ce dossier. La question éventuelle de protection de l’ex-collaborateur de l’Elysée n’est pas complètement résolue. Négligence ou protection ? ».
La commission est allé jusqu’au bout de ses auditions dans le temps de 6 mois qui lui était imparti. Les deux co-rapporteurs, Mme Jourda (LR) et Jean-Pierre Sueur (PS) vont maintenant rédiger leur rapport à la lumière conjointe des auditions et des informations qu’ils ont pu glaner par ailleurs.
F.C.