Les maires ont le blues

Au deuxième jour du congrès annuel des maires à Paris on ne peut pas dire que l’ambiance se soit réchauffée. « Oubliés de la République, méprisés, pas accompagnés, inquiets » : de gauche comme de droite et du centre, non-inscrits, les maires de France ne manquent pas de qualificatifs pour témoigner  de leur mal être et de la crise qui secoue tout le territoire.

Les fantassins de la République

Nous l’évoquions hier, ce désenchantement s’explique par une série de mesures prises par l’actuel gouvernement : fin de la taxe d’habitation, multiplication de normes contraignantes, transferts arbitraires de compétences, suppression des emplois aidés, budgets amputés, baisse des dotations…  Disons que c’est la goutte qui a fait déborder le vase mais le malaise vient de plus loin. Sur tout le territoire, ces « fantassins de la République qui produisent des services publics pour améliorer le bienêtre de leurs concitoyens, pour développer leurs territoires » songent de plus en plus  à jeter l’éponge. « Nos administrés sont de plus en plus des consommateurs insatisfaits qui oublient le collectif. Cela conduit à un manque de reconnaissance de ce qui est fait et quelques fois à un manque de respect manifesté en particulier sur les réseaux sociaux » nous dit un conseiller municipal du Loir-et-Cher qui a souhaité garder l’anonymat.

De plus, surtout dans les communes de moins de 1000 habitants qui disposent de peu de services, les maires se disent particulièrement démunis devant les responsabilités qui leur incombent. D’où une crise des vocations dont les premiers symptômes sont apparus aux municipales de 2014,  dans 563 communes de moins de 1000 habitants le nombre de candidats était inférieur à celui des sièges à pourvoir et dans  plus d’un tiers de celles de plus de 1000 habitants une seule liste se présentait. Depuis la situation n’a fait que s’aggraver  avec les intercommunalités  qui provoquent chez certains maires un sentiment  d’inutilité et de dépouillement. Résultat  près de la moitié des maires songent à jeter l’éponge en 2020.

Fracture territoriale

De nombreux élus ont dit et répété à la tribune que le milieu rural était touché de plein fouet par « l’imposition des 80km/h et le coût de l’essence. Ils ont insisté sur la fracture territoriale qui se creuse entre les grandes villes et les petites communes rurales, ces grandes oubliées de ce gouvernement ». Dans la foulée, le « tout métropole » et « l’égoïsme des villes centre » sont  pointés. « Il y a les métropoles et c’est tout »  se dit-il au fil des ateliers. D’autres appellent les métropoles à « irriguer les territoires, c’est leur fonction. Il faut travailler ensemble ».

A l’Elysée en trainant des pieds

Invités par le président de la République à assister à son intervention, choisis sur des critères qu’ils ignorent, un millier  de maires sur les 9000 (moins que par le passé) présents au congrès auquel il ne viendra pas, vont se rendre à L’Elysée en trainant les pieds. D’autres comme André Laignel (PS) n’iront pas. « Il est clair que je ne saurais cautionner ce meeting, ce type de démarche. Bien évidemment et avec de nombreux amis, je n’y serais pas » dit-il. Par ailleurs à 17h30  le chef de l’Etat aura reçu le bureau de l’AMF pour une réunion de travail à laquelle participera le maire d’Issoudun.

F.C

Marie-Agnès Linguet : « si on laisse mourir les petites communes on va s’en mordre les doigts »

Marie-Agnès Linguet, maire UDI de Fleury-Les Aubrais s’est rendu au congrès  des maires le jour de l’ouverture.  Nous l’avons rencontrée.

Partagez-vous le blues des maires qui se déclinent sous toutes ses formes au congrès des maires 2018 ?

Marie-Agnes Linguet

Marie Agnès Linguet : J’ai entendu l’agacement, la colère. Je n’ignore rien et pour cause des problèmes posés par les financements de nos collectivités communales, par les services publics locaux. Mais je n’aime pas voir le verre à moitié vide. Je préfère me demander comment transformer l’essai. Il faut qu’on se batte. Nous sommes le dernier rempart ou le premier  comme on veut de notre République. Il faut que le gouvernement nous écoute, entende nos difficultés, combien nous luttons dans les quartiers pour la tranquillité publique avec nos budget qui ne sont pas en déficit, la loi nous y oblige, nous n’avons pas le choix. Nous ne pouvons faire de déficit, ce n’est pas comme le gouvernement.

Comme tous mes collègues maires je suis confrontée à des budgets serrés et dans l’obligation de faire des choix qui ne plaisent pas forcément à tout le monde. Il y a donc des récriminations de la part des habitants, des élus, des agents mais comme je l’ai dit je suis adepte du verre à moitié plein, je préfère aller de l’avant et non ressasser ces récriminations.

Avez-vous été conviée par Emmanuel Macron à vous rendre à l’Elysée ?

Non et je n’en fais pas une maladie de même que je ne suis pas choquée par la non-venue du président de la République au congrès. Il l’avait promis, oui, c’était il y a un an mais depuis… Il est très occupé, à l’international où il se passe tellement de choses. Le président de la République aurait envoyé une lettre de quatre pages à chacun des 36 000 maires de France mais elle n’est pas encore arrivée à Fleury-Les Aubrais.

Par contre je suis conviée demain par la ministre de la Santé avec 14 autres maires pour discuter du plan santé 2022. J’ose espérer qu’elle va nous écouter et  tenir compte de ce que nous souhaitons pour l’offre sante de notre pays. Avant je me serai rendue  à l’Assemblée pour parler  avec Philippe Vigier (Eure-et-Loir) qui préside le groupe  «  Libertés et Territoires ». Territoires ce n’est pas pour rien.

Beaucoup de maires surtout ruraux redoutent les métropoles et les villes centre qui auraient tendance à se servir en priorité au détriment de leur périphérie. Qu’en pense la vice-présidente de la métropole que vous êtes ?

Je ne suis pas d’accord. Le territoire est un tout à aménager. Il doit bénéficier des grandes politiques auxquelles les métropoles travaillent avec les régions. Elles intègrent les bassins de vie sur l’ensemble du territoire, j’en veux pour exemple les transports et je regrette l’enterrement de première classe de la ligne Orléans-Châteauneuf. Non la métropole n’est pas la grande sœur qui mange tout. C’est une erreur de diviser le territoire. Si on laisse mourir les petites communes on va s’en mordre les doigts.

Propos recueillis par Françoise Cariès

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