Le 17 octobre 2017, Christophe Bouchet devenait maire de Tours à la faveur d’un vote au sein du Conseil Municipal. Départ de Serge Babary au Sénat oblige, les membres du Conseil Municipal devaient désigner un nouveau maire. Un vote qui aura été marqué par des tensions au sein de la majorité avec en point d’orgue le maintien de la candidature de Xavier Dateu, malgré la désignation interne à la majorité de Christophe Bouchet. Depuis, ce dernier a tenté d’imprimer sa vision pour la ville, bousculant parfois l’ordre établi. Le maire de Tours a aussi cherché à prendre ses marques au cours de cette première année de mandat, en constituant une équipe de proches collaborateurs, mais aussi en cherchant à trouver une légitimité auprès de la population, lui le maire désigné mais non élu au suffrage universel. A l’occasion de sa première année à la tête de la ville, retrouvez notre entretien long format du maire de Tours.
Christophe Bouchet, cela fait un an que vous êtes maire de Tours maintenant. La vision que vous aviez de cette fonction correspond-elle au quotidien du maire que vous êtes depuis ?
Christophe Bouchet : Cela correspond à la vision que j’avais oui, c’est à dire à une organisation très verticale où tout remonte trop au maire. J’essaye de trouver des formules de travail pour que cela soit moins le cas. J’ai par exemple abandonner les mandats de jurys des appels d’offres au profit de mes adjoints. Pareil pour les présidences de structures satellites comme Tours Evénements.
C’est quoi le rôle d’un maire selon vous ?
Christophe Bouchet : Un maire doit donner un cap, une ligne politique forte et affirmée. Après, il faut faire confiance à l’entourage, les élus de la majorité comme les services. Je pense qu’il faut leur laisser une forme de liberté dans l’expression du cap donné. Je vais rencontrer souvent les services parce que c’est important d’être au contact de ceux qui sont sur le terrain.
Mes adjoints sont également très engagés et concentrés sur leurs objectifs et leurs dossiers. C’est un travail collectif et je pense qu’il est primordial de partager les choses avec eux afin d’être utile aux Tourangeaux. Nous avons mis en place par exemple une réunion hebdomadaire pour cela.
Qu’est ce qui vous semble le plus compliqué dans votre mission ?
Christophe Bouchet : Il faut faire attention à ne pas s’isoler justement, savoir rester au contact du terrain malgré un emploi du temps dense.
Depuis un an vous avez reconstitué une équipe autour de vous, au cabinet et à la communication. Certains membres de l’opposition évoquent une politique menée pour le candidat Bouchet et non pour la ville de Tours. Que leur répondez-vous ?
Christophe Bouchet : J’ai une vision de la vie publique que j’essaye d’appliquer. Les élections ne sont qu’en mars 2020, d’ici là je suis le maire des Tourangeaux et je dois donc faire en sorte que le fonctionnement de la mairie soit le plus efficace possible, pas pour le maire, mais pour la ville. L’opposition est souvent dans la posture politicienne à ce sujet.
Vous avez également restructuré – ou allez le faire – des structures satellites de la ville (Tours Evénements, SET…). Est-ce une nécessité quand on arrive à la tête d’une ville comme Tours de rebattre les cartes et changer des personnes parfois présentes depuis de nombreuses années ?
Christophe Bouchet : Je ne remets pas en cause les compétences des personnes qui étaient en place, mais je pense qu’il fallait du personnel d’un niveau supérieur parce que je souhaite que ces structures franchissent elles aussi un cap.
Mais au-delà des personnes, il y avait également un besoin de faire comprendre que c’est le politique qui décide des orientations. Ce n’est pas une mise au pas, mais un rééquilibrage nécessaire. Et pour incarner cette vision, il faut des personnes ayant les capacités de mener cela.
« Les Tourangeaux se moquent de la date d’ouverture des hôtels. » Christophe Bouchet.
On parle souvent de rayonnement, « de jouer en première division », concrètement c’est quoi la place de Tours demain en France ?
Christophe Bouchet : Tours sera dans une position singulière, ni une ville moyenne, ni une grande métropole. En revanche, notre position géographique entre Paris, Nantes, Bordeaux et Lyon, doit permettre à Tours de tirer son épingle du jeu, d’autant plus que démographiquement nous allons sortir automatiquement de la ville moyenne. Je pense que la ville doit prendre pleinement conscience de ses atouts. Les Tourangeaux sont plutôt fiers de leur ville mais pas assez confiants dans son pouvoir de dynamisme.
Lors de votre élection vous aviez dit vouloir remettre « Tours au centre de la Métropole ». Un an après, on a l’impression que Tours a repris du poids en effet, mais que cela s’est fait parfois aux forceps face aux communes voisines.
Christophe Bouchet : Le terme « forceps » n’est pas adapté. Avec les collègues de la métropole on est dans l’échange et la discussion. Je ne cherche pas le conflit, mon seul but est de faire les projets qui feront Tours dans 30 ans. Peut-être que mon style n’est pas académique, mais je n’ai pas l’impression que cela choque les Tourangeaux.
On a parfois eu l’impression que vous avez tâtonné sur certaines décisions. Vous êtes revenu quelques-fois en Conseil Municipal sur des déclarations faites préalablement. Je pense au dossier du haut de la rue nationale pour lequel on a eu l’impression que vous avez voulu tout changer avant de vous rendre compte que c’était plus compliqué à faire.
Christophe Bouchet : Je ne suis pas d’accord avec l’expression « tâtonner ». Il y a simplement un temps politique et un temps administratif qui est long. On ne fait pas faire demi-tour en quelques mètres à un paquebot. Si on prend du recul on se rend compte qu’en un an on a réussi à résoudre le problème du haut de la rue Nationale, je ne trouve pas que cela soit un temps long. Et je pense que les Tourangeaux se moquent de la date d’ouverture des hôtels, qu’ils se moquent que cela soit 2020, 2021 ou 2022, ils ne sont pas focalisés dessus. Ce qu’ils attendent en revanche c’est qu’au final ce soit un projet qui valorise la ville. Dès lors pouvait-on se contenter d’un projet d’hôtels sans penser aux alentours ?
« C’est un mandat qui est serein et moral, car contrairement à ce qui était fait jusque-là on n’a pas repoussé à plus loin les turpitudes budgétaires. » Christophe Bouchet.
Vos opposants parlent d’un mandat marqué par l’immobilisme…
Christophe Bouchet : C’est un mandat qui est serein et moral, car contrairement à ce qui était fait jusque-là on n’a pas repoussé à plus loin les turpitudes budgétaires. Quant aux dossiers on les a traités, tout est en cours.
Les projets d’urbanisme tardent néanmoins à voir le jour. Sans entrer dans une liste exhaustive, on en est où par exemple du haut de la Tranchée, de l’Ilot Vinci… ?
Christophe Bouchet : Pour la plupart ce sont des projets qui ont été lancés avant la dernière élection municipale, donc qui ont été arrêtés. C’est difficile de reprendre derrière. Mais sur le haut de la Tranchée par exemple, l’aménageur sera connu le 1er décembre, derrière les choses peuvent aller vite.
Concernant l’Ilot Vinci, on doit nous remettre prochainement un projet. Si cela ne convient pas, je ne ferai rien. Je refuse de faire pour dire de faire. Il faut intégrer l’Ilot Vinci dans une réflexion globale comprenant la rénovation de la place de la gare, le Sanitas, l’arrivée possible de la seconde ligne de tramway…
Et pour la seconde ligne de tramway justement ? On a l’impression qu’il y a eu un noeud de créé concernant le choix entre les boulevards Royer et Béranger ?
Christophe Bouchet : La décision de la ville sera connue en fin d’année, nous allons trancher sereinement. Le tramway est un grand sujet d’urbanisme, nous ne pouvons pas nous tromper et il faut aussi tout envisager : le tracé mais pas seulement. Nous sommes actuellement en plein tournant énergétique avec l’arrivée de l’hydrogène par exemple. Il faut donc tout prendre en compte et être sûr de partir sur le bon projet avec la bonne technologie, c’est le sens de la réflexion menée par Tours Métropole.
En 2014 votre campagne était axée sur l’économie et les emplois. Cet été plusieurs structures sociales dont l’association Courteline ont tiré la sonnette d’alarme avec des pertes d’emplois à la clé. Cela a été reproché à la municipalité. Quel regard avez-vous sur le sujet ?
Christophe Bouchet : Concernant les structures sociales, on parle ici d’emplois précaires pour la plupart avec très peu de temps pleins. Je ne dit pas que ce n’est pas important, mais pour reprendre l’exemple de Courteline, il y a eu un problème de « CDIsation » de ces contrats alors qu’ils étaient sur des marchés temporaires. De plus, on a annoncé neuf mois en amont la fin des Temps d’Accueil Périscolaires, afin que les structures puissent s’adapter. J’ai l’impression ici que cela n’a pas été fait.
Plus globalement, le problème est général et la perte des emplois aidés a notamment un impact important sur ces structures. Il convient aujourd’hui de réfléchir à de nouveaux modèles fiables. C’est la démarche que nous entreprenons.
J’aimerais vous parler de culture. Depuis un an, c’est un thème qui est très peu abordé dans les débats publics.
Christophe Bouchet : C’est vrai que ce n’est pas le domaine dont je parle le plus, pourtant je pense être le premier maire à être aussi présent aux expositions, aux inaugurations, etc… C’est un domaine que je maitrise moins que le sport mais qui est primordial et pour lequel nous oeuvrons, j’en prends pour preuve le maintien du Grand Théâtre et son passage en régie autonome qui va permettre de développer encore plus ses activités.
La pré-campagne des Municipales de 2020 est déjà lancée. Vous avez annoncé que vous seriez candidat. On a pu penser un temps que vous seriez sur une liste proche LREM puis moins dernièrement. On sent qu’il y a aussi une garde rapprochée LR près de vous. Quelle sera votre orientation politique dans cette campagne 2020 ?
Christophe Bouchet : Aujourd’hui je dirige une majorité Les Républicains / Centre-Droit. Une partie de la majorité actuelle continuera après ce mandat. Cela constitue un socle sérieux et solide. Concernant En Marche, j’ai des relations courtoises et amicales avec Emmanuel Macron ou Edouard Philippe et je suis quelqu’un d’ouvert à la discussion, tout comme mes adjoints. En revanche je remarque depuis quelques mois que du côté LREM en Indre-et-Loire on a fermé la porte à cette discussion. Quoiqu’il en soit, je pense que l’essentiel est d’aller proposer un projet sincère aux Tourangeaux, c’est ce que je ferai.
Par Mathieu Giua