Un des adjoint au maire de Blois, Ozgur Eski, délégué à la politique de la Ville attaque en diffamation une ex adjointe déléguée au commerce et à l’artisanat dans la précédente mandature. La délibération n°206 du conseil municipal du 24 septembre demande la protection fonctionnelle pour couvrir les frais juridiques occasionnés par cette plainte, comme le propose le code général des collectivités territoriales. Ça n’est pas la première fois que cette majorité demande la protection juridique pour diffamation à l’encontre d’administrés. Mais dans quel objectif, et pour quel résultat ?
Attaquer en diffamation ses administrés est-il dangereux pour la réputation électorale ? C’est une des questions qui se pose au regard de deux plaintes en diffamation visant deux citoyens blésois. Comme beaucoup de monde, Marc Gricourt et ses adjoints passent beaucoup de temps sur le réseau social Facebook. Photos, selfies, commentaires, commentaires de commentaires : on assiste parfois à de véritables joutes verbales, pas toujours d’une cordialité exemplaire. Exposée et donc fatalement critiquée, l’actuelle majorité municipale se rebiffe et contre-attaque, face à des propos parfois peu amènes il est vrai. Ces commentaires peuvent être cinglants, ironiques, cassants voire davantage, et montrent une certaine fébrilité à mesure que se rapprochent les municipales de 2020.
Touchez pas aux bancs !
(capture d’écran Facebook N. Viault)
Car il ne fait pas bon critiquer librement et ouvertement les choix du premier magistrat blésois… Certains en ont déjà fait les frais : Nicolas Viault, un blésois architecte d’intérieur passionné de patrimoine, d’habitat troglodyte et d’environnement, blogueur-photographe et abondant commentateur sur Facebook, en sait quelque chose. Menacé de diffamation par lettre recommandée fin 2013 ; condamné à l’euro symbolique et remboursement de frais de justice du maire en 2015 ; une nouvelle plainte a été déposée en mai dernier contre lui. Motif : la critique, via des commentaires Facebook des bancs publics métalliques du centre-ville rénové, et l’attribution du marché public de leur paysagiste, « des amis », sous entendu « du PS » s’avance-t-il…
Allégations, imputations, diffamation
M. Gricourt et O. Eski.
Aujourd’hui c’est une ex adjointe municipale déléguée au commerce et à l’artisanat lors de la précédente mandature, Malika Ghedjati, qui fait les frais d’un nouvel oukase, cette fois de la part d’Ozgur Eski, adjoint en charge de la politique de la Ville et référent des quartiers nord. Et indirectement dans le viseur et par rebond : le conseiller municipal Louis Buteau, qui s’est brutalement fait retirer sa délégation au commerce et à l’artisanat en mai dernier. En cause ? Des « propos à caractères diffamatoires sur le groupe public Facebook de Monsieur Louis Buteau, ancien maire-adjoint de Blois ». Les faits remontent au 28 juillet dernier : « Ça en est où l’affaire de cet adjoint de la politique de la ville de Blois violence et incapacité de travail pour des jeunes dans le quartier Quinière. Y a t’il eu une sanction ? Y a t’il eu procès pour violences ? Avant de faire le ménage chez les autres, il faut nettoyer chez soi ! » tacle l’ex adjointe. « Les commentaires surréalistes de l’adjoint en charge de la politique de la ville, mériteraient qu’on publie vidéo et photos de ses violences ! », quelques commentaires plus loin. Allégations, imputations, diffamation, à ce triptyque en répond un autre : plainte, protection fonctionnelle, frais d’avocats. En 2014 déjà, un échange musclé avait eu lieu entre cet adjoint et le Front national, entrainant la menace d’une plainte en diffamation, mais le procureur de la République n’avait pas poursuivi.
Appât du gain ?
L. Buteau.
Lors du conseil municipal du 24 septembre dernier, Louis Buteau a réagit au moment du vote de la délibération demandant l’aide fonctionnelle pour l’adjoint Ozgur Eski : « J’ai dit qu’on aurait pu traiter le problème de façon plus simple s’il m’avait appelé en demandant le retrait des propos qu’il juge diffamatoires. Je suis dans le collimateur de façon indirecte, et la jurisprudence indique qu’un membre Facebook est responsable des propos tenus sur son mur. Mais ce n’est pas tout à fait neutre si le post est resté un mois et demi, alors qu’il aurait pu être signalé et enlevé de suite. Derrière tout ça on cherche à m’impliquer dans le débat » confie-t-il à Magcentre.fr.
Force est de constater que les attaques du maire de Blois ou ses adjoints visent pour le moment systématiquement des administrés, ce qui ne manque pas d’interroger sur le message envoyé aux Blésois, qui tranche avec les postures d’ouverture et de liberté d’expression, valeurs républicaines démocratiques prônée par ailleurs par la majorité municipale. « Son cabinet passe beaucoup de temps sur les réseaux sociaux à épier ce qui s’y passe et ce qui s’y dit. Il s’agit de discréditer les gens qui pourraient lui porter préjudice », observe une personnalité locale qui souhaite garder l’anonymat par craintes de représailles, ce qui en dit long sur le climat qui règne à l’hôtel de ville. « Dans le cas d’une condamnation d’un administré face à un élu, le tribunal condamne généralement à l’euro symbolique, et au remboursement des frais d’avocats. Mais le maire estime que ce n’est pas assez, et en appel il demande le remboursement des frais en son nom propre. Il n’y a que lui qui fait ça, on se demande si ça n’est pas par appât du gain… ».
Déjà des plaintes en 2016 pour diffamation et injures
Interrogé sur le sujet, Marc Gricourt ne semble pas contourner l’obstacle et appelle « à la prudence sur les réseaux sociaux. Il n’y a pas que des aspects positifs, il y a aussi du négatif. Ça vaut pour tout le monde y compris les élus de ma majorité, les autres aussi. Ça peut paraître procédurier, et on passe trop de temps à s’occuper de ça malheureusement. Pour l’heure, la plainte est déposée, on verra si le procureur donne suite ou pas » confie-t-il.
En attendant, on se souviendra peut-être qu’en décembre 2016, Marc Gricourt et Benjamin Vételé (adjoint délégué à l’éducation) avaient demandé la protection fonctionnelle d’élus, pour propos diffamatoires diffusés sur les réseaux sociaux, le second pour injures, sans préciser qui était visé par la plainte. Pour les besoins de cette enquête nous avons demandé ce qu’était devenue cette affaire ; le maire et son directeur des services ont répondu : « On est comme vous, on n’a pas plus de nouvelles ; on se renseigne et on vous dira ». « On » attend toujours.
F.Sabourin