Alors que Les Républicains s’apprêtent à se doter d’un nouveau patron en espérant renaître de leurs cendres, un livre « Déflagration » revient sur le naufrage que fut pour eux l’élection présidentielle. Patrick Stefanini, qui fut le directeur de la campagne à la primaire et à la présidentielle de François Fillon révèle le dessous des cartes de cette désastreuse course à une impossible élection.
Il est rare qu’un homme de l’ombre passe ainsi outre au droit de réserve auquel il est tenu. Sans doute, la coupe a-t-elle été pleine jusqu’à la lie. Patrick Stéfanini avoue d’ailleurs que la rédaction de ce livre à quatre mains avec la journaliste Carole Barjon lui fut une thérapie. A 64 ans, cet énarque, haut fonctionnaire, un temps préfet d’Aquitaine, qui ne fut jamais élu bien que s’étant présenté plusieurs fois sur différentes circonscriptions, dédicace son livre à sa famille mais aussi à « Serge Grouard, Isabelle Le Callennec, Jérôme Chartier et à tous les députés sortants battus en 2017 ».
Qu’est-ce qui a poussé à s’épancher ce chiraquien de la première heure, longtemps proche collaborateur d’Alain Juppé qu’il a fini par délaisser pour rejoindre François Fillon ? Comme le maire de Bordeaux, il fut condamné en 2004 dans l’affaire des emplois fictifs de la Mairie de Paris. Réputé pour sa grande discrétion, stratège redouté, véritable « machine de guerre » au service du candidat qu’il soutient, Patrick Stéfanini, livre en 400 pages les états d’âme par lesquels il est passé avant de démissionner deux jours avant le meeting du Trocadéro dont il a été la cheville ouvrière.
Des doutes et des découvertes
Patrick Stéfanini revient sur son action, ses doutes et ses découvertes. Il révèle aussi ce que fut le travail de chacun au sein d’une équipe pléthorique. Ainsi écrit-il page 161 à propos de Serge Grouard : « On a ciblé particulièrement les zones géographiques dans lesquelles François Fillon ne disposait pas de relais parlementaire et où les partisans de Nicolas Sarkozy tenaient le haut du pavé. Parmi les élus mis à contribution pour ce travail de terrain Serge Grouard, Gérard Longuet, Hervé Novelli… qui « redécouvrent les charmes de Montargis ou d’autres sous-préfecture ». Un Serge Grouard à nouveau évoqué pages 206, 207,208 : « un des seuls parlementaires des Républicains à avoir critiqué le retour en politique de Nicolas Sarkozy….gaulliste et son caractère est parfois difficile. Mais c’est un bosseur. Il va travailler à notre journal de campagne ». Hélas, page 245, on apprend que Fillon a promis la haute main sur l’équipe « Projet » à Serge Grouard et Eric Woerth. Ce dernier l’emporte.
Inextricable psychodrame
Patrick Stéfanini qui répond aux questions très précises de Carole Barjon narre surtout par le menu l’inextricable psychodrame qui surgit après les révélations sur les emplois supposés fictifs de Penelope Fillon et l’affaire des costumes. «J’’ai appris plein de choses après coup, pour certaines hallucinantes. Mais je ne renie pas ce que j’ai fait avec lui. Il m’arrive même d’en dire du bien. », confie-t-il. S’il égratigne Sarkozy et Juppé, évoque les relations exécrables entre l’ancien président de la République et François Copé l’auteur raconte surtout la campagne de Fillon de l’intérieur et fait une analyse sans complaisance du caractère de l’homme de Sablé-sur-Sarthe qui lui a caché jusqu’à sa révélation, le 24 janvier, l’enquête du Canard Enchaîné sur ses emplois familiaux dont il était connaissait l’existence.
Ce témoin exceptionnel dit sans détour comment il a découvert la véritable personnalité de son champion, un homme plus dissimulé qu’il ne le pensait. Il décrit aussi le comportement de ceux qui, par leurs hésitations et leurs doubles jeux ont contribué à rendre la victoire impossible et à conduire Les Républicains dans une impasse. Il conclut en souhaitant bonne chance à la droite.
F.C.
« Déflagration » Dans le secret d’une élection impossible
Robert Laffont, 394 pages 21 euros