Conférence des territoires : Macron met en place un pacte entre l’Etat et les exécutifs locaux

Logiquement l’exécutif a réuni sa première Conférence des territoires au Palais du Luxembourg, siège du Sénat qui se veut le forum des collectivités territoriales et des élus locaux. Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, ce rendez-vous, qui a rassemblé ministres et représentants des exécutifs locaux, a vocation à se tenir tous les six mois et doit mettre en place un « pacte » entre l’État et les collectivités territoriales.

Cinq chantiers étaient au programme de cette première édition : les structures, les compétences, la lutte contre la fracture territoriale, la contribution à la transformation écologique et à la mutation numérique et le pacte financier. Ce dernier point, le plus épineux, suscite l’inquiétude des élus qui ont multiplié les mises en garde ces dernières semaines, notamment concernant la suppression progressive de la taxe d’habitation pour 80% des foyers français. C’est peu dire qu’il y avait  tout au long de cette journée de l’inquiétude et de la circonspection dans l’air.

Gérard Larcher

Gérard Larcher, le président LR du Sénat, craignant « un marché de dupes », s’est plu à rappeler que « la chambre haute du Parlement, la seule à ne pas procéder directement ou indirectement de l’élection présidentielle mais des élections territoriales est porteuse de la voix de l’ensemble des collectivités territoriales » et que «  le respect des élus, de leur rôle et de l’action des collectivités doit être placé par l’État au cœur de la démarche ».

Pendant la campagne présidentielle Emmanuel Macron avait annoncé une baisse négociée de 10 milliards d’euros sur cinq ans des dépenses de fonctionnement des collectivités locales. Mais, après l’audit des finances publiques de la Cour des comptes, Bercy a durci les objectifs d’économies à 80 milliards d’euros pour le pays, avec une augmentation de la part de l’effort  réservé aux collectivités locales de 3 milliards. 13 milliards confirmés  dès l’ouverture des travaux par Gérald Darmanin, le ministre des Comptes publics,   nouvelle qui a provoqué quelques crispations supplémentaires.

Gérard Larcher et Édouard Philippe

Dans la matinée, le Premier ministre, Édouard Philippe, a  amorcé le débat sans en dévier le cap, il a, en quelque sorte, préparé l’auditoire à entendre la volonté élyséenne de la bouche du président de la République : « Nous devons essayer de trouver un mécanisme assurant la baisse de la dépense publique, de l’endettement public, plus intelligemment que par l’imposition brutale d’une baisse des dotations. Entendons-nous bien, trouver un mécanisme de pilotage ne veut pas dire qu’on pourrait contourner l’objectif de baisse des dépenses », a-t-il prévenu d’entrée de jeu.

Fiscalité locale

Devant une salle comble où avaient pris place de nombreux représentants des collectivités territoriales de tous bords, dont François Bonneau président de la Région Centre-Val de Loire, et Charles-Éric Lemaignen, président de l’Assemblée des Communautés de France, Emmanuel Macron a confirmé  la mise en oeuvre de sa promesse de campagne, qui prévoit d’exonérer de la taxe d’habitation 80% des foyers français. Dans cette suppression qui doit être mise en place progressivement entre 2018 et 2020 réside la principale crainte des élus. Cette même taxe d’habitation est une des principales sources de revenu des communes. Certes, Emmanuel Macron a promis de compenser le manque à gagner «à l’euro près». Mais, les maires se référant au passé redoutent de ne pas voir la promesse respectée ou poursuivie dans le temps. Pour obtenir des garanties, Gérard Larcher comme d’autres réclament une loi de finances pluri-annuelle consacrée aux collectivités. Aussi le chef de l’État a-t-il annoncé la création d’une commission de travail pour refondre la fiscalité locale en vue de la suppression progressive de la taxe d’habitation, « un impôt injuste socialement et territorialement », estime-t-il.

Il n’y aura pas de baisse des dotations aux collectivités locales en 2018 a-t-il assuré en évoquant un contrat de confiance passé avec les élus locaux. Il s’engage à ne pas diminuer les dotations aux collectivités en échange d’efforts pour faire « des économies intelligentes » c’est-à-dire en maniant la carotte et le bâton : supprimer des échelons inutiles au sein des exécutifs locaux et plus de flexibilité. Si ces économies n’étaient pas réalisées, les territoires s’exposeraient à un « mécanisme de compensation ». Enfin, évoquant la charge qu’est le RSA pour les départements, le chef de l’Etat s’est montré favorable « à une recentralisation de son  financement avec sa reprise en main par l’Etat ».

Numérique sur tout le territoire

« Ce que demande la ruralité, ce n’est pas l’aumône », a lancé Emmanuel Macron avant de s’engager à réussir la couverture intégrale des territoires en très haut et haut débit d’ici 2020. Initialement prévu pour 2022, cet engagement a été rapproché afin de permettre au chef de l’État de faire le bilan de cet engagement en 2021. S’il a admis qu’il était « impossible de tirer la fibre dans tous les départements de la République », il a suggéré de jouer sur la « complémentarité » des réseaux, filaires, téléphoniques et satellites. En ce qui concerne les zones rurales isolées où les opérateurs « rechignent encore à investir » Emmanuel Macron a  dit sa volonté de mettre en place des outils pour « inciter et contraindre » les opérateurs de téléphonie. Le chef de l’État a par ailleurs insisté sur l’importance de développer, dans les territoires ruraux, le télétravail et les techniques comme l’impression 3D.

Agence de la cohésion nationale

Emmanuel Macron souhaite également la création d’une « Agence de la cohésion nationale des territoires » placée sous l’autorité du ministre  de la cohésion des territoires, Jacques Mézard, dont l’action doit permettre de simplifier les démarches pour les lanceurs de projet (qu’il s’agisse des communes ou des entrepreneurs). Mais le président de la République n’envisage pas un « un grand soir institutionnel »,  autrement dit une réforme d’envergure des collectivités territoriales, mais une correction des inclinaisons actuelles par voie législative. Et dans un effort de simplification affiché depuis le début de son mandat, le chef de l’Etat demande aux parlementaires de mettre en place le système de 2 pour 1 : pour chaque nouvelle règle contraignant les collectivités territoriales, deux devront être supprimées.

Le président de la République veut également « engager une réduction du nombre des élus locaux. Alors qu’a été décidé d’engager une réduction du nombre de parlementaires, « nos concitoyens ne comprendraient pas ce traitement différencié », a-t-il justifié. Voulant mettre en place « un pacte girondin de décentralisation, non imposé mais « incité » par l’Etat.

Conférence territoriale du Grand Paris

Pour « simplifier drastiquement les structures, dès cet automne, après une concertation approfondie avec les acteurs concernés, je proposerai les bases du Grand Paris qui aujourd’hui, je dois vous le dire de manière honnête, est au milieu du gué en raison d’une structuration trop complexe », a expliqué le président de la République pour qui, « l’idée du Grand Paris mérite mieux que ce que nous en avons collectivement fait, il faut bien le dire, de part et d’autre, pour des raisons politiques et pour des équilibres incertains. Si nous voulons que le Grand Paris réussisse à l’échelle de la compétition internationale, si nous voulons produire la richesse pour ensuite pouvoir la répartir harmonieusement sur le territoire, nous avons besoin de simplifier drastiquement les structures », a-t-il martelé avant d’annoncer  « une conférence territoriale du Grand Paris qui devra se refonder autour d’un projet ambitieux de développement de la première métropole française au sein de la région capitale et “aboutira à une organisation institutionnelle stabilisée et efficace ».

Associations d’élus satisfaites de la méthode

Bien que toujours inquiètes pour leurs finances, les associations d’élus se sont montrées satisfaites de la méthode employée et de l’élaboration d’un pacte à l’occasion. « Nous sommes satisfaits de l’organisation de cette conférence, satisfaits du calendrier rapide pour mettre au point un pacte girondin, et satisfaits de la vision partagée de ce qu’est un pacte, c’est-à-dire des négociations qui permettent d’associer des points de vue de deux partenaires » a déclaré François Baroin (LR), président de l’Association des maires de France (AMF).  Les centristes Philippe Laurent  (AMF) et Vanick Berbérian (Maires ruraux) se sont réjouis de la volonté du président de la République de faire évoluer la haute fonction publique.
Marc Fesneau élu du Loir-et-Cher, président du groupe Modem à l’Assemblée a noté dans le discours du président, long d’une bonne heure « le pragmatisme, la confiance réciproque et des réponses concrètes à des questions concrètes ».  Moins consensuel,  André Laignel (PS), maire d’Issoudun et membre du Comité des Finances locales a lâché « je vois bien les efforts qu’on nous demande par contre je ne vois pas les contreparties qu’on nous offre ».

Rendez-vous dans six mois

Le défi est  lancé et les buts à atteindre bien établis : Il s’agit de « conjuguer la République, la mondialisation et la diversité des territoires  ».  Aussi, dans cette perspective, le Premier ministre réunira, tous les six mois, la Conférence nationale des territoires, qui aura pour tâche de définir les engagements respectifs des territoires selon des thèmes transversaux. Le Président l’assure : l’idée n’est pas de « recentraliser » l’administration des territoires mais d’accompagner les collectivités territoriales dans leurs transformations.

F.C.

Commentaires

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  1. Et pendant que Macron égrenait ses ordres le FMI (les décideurs par l’argent de toutes les formes de vie sur terre et dont nous subissons les excès) saluait” les réformes ambitieuses engagées par Emmanuel Macron”
    Celles et ceux qui osent encore penser ou dire qu’il représente les oligarques financiers ne sont que de cyniques menteurs! Toutefois réduire la “dépense publique” terme novlangue pour nommer le financement par la collectivité nationale des besoins des territoires-lieux de vie c’est créer de l’espace marchand pour les fonds privés d’investissement qui tient comme c’est curieux sont les maîtres en sous main du FMI .

  2. Veuillez me pardonner mais je crois que vous avez un problème avec l’argent, moi, j’aime bien ! Et paradoxalement, il y a des chances que votre “livret A” soit plus étoffé que le mien, de même pour votre patrimoine, c’est une supposition !

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