Alain Pompidou, fils adoptif de l’ancien président de la République et de son épouse Claude donnera une conférence sur sa mère disparue il y a 9 ans au centre Art et Culture de Déols dans l’Indre ce 9 décembre à 18 heures.
Le lendemain à 15h30, il dédicacera son livre « Claude c’était ma mère » à la librairie Cousin-Perrin de Le Blanc et à partir de 18h30, il dédicacera cemême livre au Centre Cultura de Châteauroux. Né en 1942, ancien professeur d’histologie, d’embryologie et de cytogénique, il fut de 2004 à 2007 le premier Français président de l’Office européen des brevets. Il fut également conseiller spécial du Premier ministre, du ministre de la Recherche et de l’Enseignement supérieur et du ministre de la Santé et député européen de 1999 à. Nous avons rencontré cet auteur qui dit ne pas être « écrivain » mais qui sait mener un récit et le rendre plaisant.
Interview
Vous rentrez de Cajarc dans le Lot où votre père avait ses racines et vous allez vous livrer à une véritable tournée dans l’Indre en fin de semaine. Vous défendez votre livre comme une rock-star ses chansons…
Comme un chanteur oui, pourquoi pas. Ma femme possède une maison de famille depuis quatre générations dans la Brenne. Nous y venons régulièrement. Je participe chaque année à la pêche annuelle de l’étang de la Gabrière. Des associations m’ont demandé ces conférences. Il est prévu, parait-il, 500 participants à Déols. Je m’en réjouis d’autant plus que les droits de mon livre vont à la fondation Claude Pompidou qui vient en aide aux personnes âgées, aux malades et aux handicapés.
Ce livre est votre deuxième livre consacré à vos parents. Le premier donnait un éclairage intime sur Georges Pompidou. Qu’est-ce qui vous pousse à remettre dans la lumière ces deux êtres qui vous sont très chers ?
Le temps a passé, l’oubli fait son œuvre. J’ai soudain ressenti le besoin de raconter Georges Pompidou et de le faire à partir de sa correspondance avec Robert Pujol, son ami depuis leur classe de quatrième au lycée d’Albi, et avec René Brouillet, son très proche condisciple à l’Ecole normale qui lui présentera le général de Gaulle en 1944. Aucun chef d’Etat ne s’est aussi longtemps et régulièrement exprimé avec ses amis intimes sur sa vie. Mon père était un affectif.
Ce second livre est un geste d’affection et de reconnaissance à l’égard de ma mère. Les Français se rappellent son élégance, sa prestance mais son souvenir s’estompe un peu. Elle était une femme très droite, qui aimait la mode et partageait avec mon père la passion de l’art. Je donne mon regard sur celle qui occupa un des plus grands rôles secondaire de la Vème République.
A lire votre livre dont Claude Pompidou est le personnage principal on mesure combien vous avez été un enfant heureux dans cette famille à trois personnages très soudés. Ce furent des années de bonheur ?
Absolument. Ce couple fusionnel avait tellement intégré son enfant dans sa vie que nous sommes devenus un trio fusionnel. J’avais à peine trois ans qu’ils m’emmenaient partout aux manifestations officielles, aux expositions, aux concerts. Quand j’avais du mal à m’endormir, mon père s’asseyait à côté de mon lit et me lisait l’Iliade et l’Odyssée. Je m’endormais avec Ulysse et le chant des sirènes. Si mes origines étaient cachées, je ne l’étais pas.
Vous n’aimez pas qu’on vous parle de cette adoption. A vous lire, vous n’avez pas eu d’autre famille que les Pompidou. Vous ne vous êtes jamais intéressé à votre famille biologique ?
J’ai été adopté à 3 mois, en 1942, en pleine guerre, par Claude et Georges Pompidou et j’ai trouvé ma place au sein de ce couple uni au destin exceptionnel. J’ai été très heureux dans cette famille, dans ma famille. Je n’avais pas de raison de m’interroger sur mes origines. Le traumatisme de l’abandon existe, mais bon… Une fois, tout de même, il n’y a pas longtemps, en allant chercher un certificat de naissance, je me suis posé la question: Je cherche ou pas? J’ai décidé de ne pas chercher. J’aurais pu plus mal tomber. Mes parents m’ont toujours caché que j’avais été adopté, ils ne m’en ont jamais parlé. Ma mère ne voulait pas qu’on en parle. Lorsqu’elle était en âge de procréer, le fait de ne pouvoir avoir d’enfant était infamant et ne s’avouait pas. Cette adoption aurait pu demeurer cachée si un jour, j’avais 35 ans, un chauffeur de taxi qui me déposait devant le domicile familial quai de Béthune, m’a dit « C’est ici qu’habite Mme Pompidou et son fils adoptif ». J’ai interrogé ma tante qui a confirmé. J’ai alors compris que cela se savait mais que personne n’en parlait. J’ai respecté la volonté de mes parents. Je n’ai jamais voulu pénétrer leur jardin secret, par respect, par reconnaissance pour ce qu’ils ont fait pour moi. C’était surtout pout ma mère une obsession de garder le secret, elle y attachait presque plus d’importance qu’à l’Affaire Markovic qui, en 1968, alimenta des rumeurs de soirées libertines auxquelles elle aurait participé et avec laquelle on a cherché à la salir publiquement.
Dans votre livre vous faites une place non négligeable au Dr Cahour, le père de Claude. Lui devez-vous votre entrée en médecine ?
Absolument. Il ne fut pas un père très présent pour ma mère et sa sœur. A la suite du décès de sa femme morte en 1919 de la grippe espagnole il est resté veuf avec deux petites filles à élever à Château-Gontier. Médecin-chef il passait le matin à l’hôpital, il consacrait ses après-midi aux consultations. La salle à manger familiale servait de salle d’attente. Suivaient ensuite les visites dans les fermes. Dévoué à ses patients, le docteur refusait de faire payer les plus pauvres et se rattrapait à peine sur la bourgeoisie locale. Cette attitude aura valeur d’exemple pour ma mère. Enfant j’allais chez lui en vacances. Le matin il m’amenait à l’hôpital et l’après-midi je l’accompagnais dans ses visites. Je lui dois mon orientation ; Il fut pour moi un grand-père délicieux.
Vos parents n’auraient-ils pas souhaité que vous fassiez de la politique ?
Que je me dirige vers la médecine fut pour eux un soulagement. Comme ils cachaient mes origines, il ne fallait surtout pas que je fasse de la politique. Devenir professeur de médecine comme mon grand-père maternel m’a sauvé de ce monde dont, de plus, mes parents m’ont tenu à distance. Préparer ce concours c’est comme entrer dans les ordres. Quand j’ai été chargé de mission à Matignon pour le ministère de la Santé ou député européen de 1999 à 2009, ma mère a refusé d’aborder la politique pendant toutes ses années.
En fait votre vie est placée sous le sceau du secret ?
On peut dire çà. Médecin j’ai été le premier informé des résultats des examens biologiques de mon père, atteint d’une maladie rare, la maladie de Waldenström qu’on ne savait pas traiter à l’époque. Alors, on cachait la vérité aux patients. Les spécialistes m’avaient dit, « nous nous occupons du traitement, vous du psychologique ». J’ai dû me débrouiller avec çà et je n’ai rien dit à mes parents.
Vous ne vous définissez pas comme un écrivain mais ne travaillez-vous pas à un troisième livre ?
Si. En quelque sorte, le troisième volet d’une trilogie consacrée à Claude et Georges Pompidou : leur vision de la culture. Ce livre sortira en même temps que débutera à Chambord une exposition marquant le quarantième anniversaire du Centre Pompidou Cette exposition doit durer six mois, d’Avril à décembre 2017. Elle présentera 70 tableaux ayant appartenus à mes parents, 20 seront prêtés par des collectionneurs et 50 viendront de chez moi. . Ils font partie de ceux qu’ils m’ont légués et que je possède encore après dation et vente pour payer les droits de succession.
Propos recueillis par Françoise Cariès
« Claude, c’était ma mère »
Flammarion 350 pages 19,90 euros