Son livre Le club des incorrigibles optimistes a marqué les lecteurs et fait connaître le nom de son auteur, Jean-Michel Guenassia. Mardi 27 septembre, il sera au cœur d’une rencontre à la Librairie Nouvelle à Orléans, pour présenter son nouveau roman, La valse des arbres et du ciel.
Marguerite Gachet, jeune fille de 19 ans, ne souhaite qu’une chose : quitter la maison de son père médecin et devenir peintre aux Etats-Unis. Ne supportant plus le monde clos familial, elle n’imagine son salut que dans la fuite.
Le hasard met sur sa route Vincent Van Gogh pendant l’été 1890. Le célèbre peintre passera quelques mois auprès de la famille Gachet. Le médecin est aujourd’hui considéré comme ayant été un ami et un soutien infaillible de l’artiste. Mais l’histoire n’a-t-elle pas été faussée ?
Extrait
Je suis née d’une femme énigmatique, qui m’a été dérobée. J’avais trois ans quand la maladie a emporté ma mère, et j’ai longtemps cru qu’il n’y avait nulle part de portrait qui puisse me révéler à quoi ressemblait son visage. A cette époque, la photographie n’était pas aussi répandue qu’aujourd’hui. Mon père regrette de n’avoir pas pensé à faire un daguerréotype lors de leur mariage. Cela n’était pas à la mode. J’aurais tant aimé qu’il en garde un souvenir. Il me dévisage et soutient que ses traits s’estompent de sa mémoire et qu’il doit faire un effort insoutenable pour la revoir telle qu’il l’a aimée. Mais il ne dit pas la vérité : une fois il n’y a pas pensé et à la deuxième occasion il a reculé devant la dépense. Il passe son temps à soupirer. Les yeux dans le vague, presque à défaillir. Des soupirs appuyés, qui s’exhalent malgré lui, à tout moment. Est-il accablé pour le reste de ses jours de l’avoir perdue ?
Critique
Ce roman prend la forme du journal de Marguerite Gachet. Elle raconte son enfance, sa jeunesse, sans amour maternel et sous la coupe d’un père froid. Avec un ton naturel et sincère, Jean-Michel Guenassia parvient à composer l’état d’esprit d’une jeune femme qui rêve d’autre chose. Ses confidences sont ponctuées d’extraits de journaux d’époque, ce qui complète parfaitement la frustration de la jeune Marguerite.
Que ce soit le montant des salaires, les changements visuels (construction de la Tour Eiffel) ou la condition des femmes, ces informations nous dressent un portrait de cette fin de siècle. Elles agissent comme les brèves diffusées en bas des écrans des chaînes d’information en continu. Ce moyen de contextualisation évite de surcharger le récit de Marguerite de poussière historique. Le point de vue de la jeune fille est plein de maladresse, d’envie et de certitude. Cette énergie installe une familiarité avec le lecteur. Il est appréciable que le roman ne tombe pas dans l’efficacité pure pour prendre le temps de découvrir les émois de cette jeunesse. Marguerite, signe de l’entrée dans l’âge adulte, commence à s’approprier la société qui l’entoure et qui lui dicte son rôle de femme. Elle tente de comprendre comment elle pourra s’en échapper le plus vite et le mieux possible.
A l’arrivée de Van Gogh, tous les espoirs de Marguerite son permis. Loin de caricaturer l’image de l’artiste, l’auteur n’en fait pas un personnage étouffant les autres. Il sert de catalyseur pour la narratrice. Il la conforte dans ses aspirations et ses sentiments tout en accentuant le mépris éprouvé vis-à-vis de son père. Jean-Michel Guenassia s’approprie les personnages pour se permettre de recomposer le tableau d’ensemble. Aidé de Benoît Landais, spécialiste mondialement reconnu et fort d’une bibliographie très riche, il donne une autre version de l’Histoire. Il redéfénit autant le rôle du docteur Gachet que celui de sa fille ou les conditions de la mort de Van Gogh. Le rythme de ce roman et sa musique très fluide font oublier la version officielle et rendent très crédible la vision de l’auteur. Ce roman interroge le regard porté sur les lieux, sur les Hommes et sur la société.
La valse des arbres et du ciel de Jean-Michel Guenassia, Albin Michel, 19,50€. 304 pages.